
La longe
Publié en janvier 2025
150 pages
18 Euros
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Thème
Trois ans que Rose a perdu sa fille Anna, son « bébé », sa joie de vivre ; son cœur est fracassé et son existence explosée. Alors qu’elle est enfermée dans une chambre aux murs lambrissés, près de la montagne, Rose évoque ses souvenirs, ses joies, ses chagrins afin de comprendre pourquoi elle en est arrivée là ; pourquoi est-elle attachée ?
Malgré le décès de sa Maman l’année de ses huit ans, Rose mène une enfance heureuse dans ses montagnes valaisannes près d’une Grand-Maman adorée qui tient un bistrot. La vie est insouciante avec les promenades dans cette nature splendide et sauvage, l’amitié d’enfance de Camil qui partage ses lectures pendant les vacances. Mais une colère sourde : afin de s’émanciper du climat étouffant près d’un père dévasté par le chagrin et d’un grand frère au parcours chaotique, Rose part à Lausanne. Elle y retrouve ses grands-parents paternels, étudie l’ostéopathie ; elle retrouve Camil et leur amour devient une évidence. C’est une vie de bonheurs, partagée entre la plaine et la vallée ; une vie épanouie dans leur travail respectif, une vie d’amitié et la naissance d’Anna.
Oui, mais le drame survient avec l’accident d’Anna à 11 ans ; la vie bascule.
Points forts
- La construction de ce roman court mais intense en deux caractères d’imprimerie : l’un pour le moment présent dans la solitude de cette chambre, pendant l’enfermement, l’autre pour évoquer les souvenirs, les bonheurs, la vie d’avant.
- La poésie dans les descriptions de cette enfance, de la nature, de cette vie un peu hors du temps dans les montagnes, de ce grand amour avec Camil.
- L’étude des deux grands-mères : Eugénie la montagnarde rebelle, Grand-Maman adorée, Lucie la citadine dépendante dans une vie toute tracée mais affectueuse.
- La colère sous-jacente depuis l’enfance : a-t- elle mené Rose à des comportements menant à l’enfermement ?
- La description de la douleur intense qui mène à la folie lors de la perte de l’enfant ; Rose sombre dans la boulimie, l’alcool et dans la fureur.
- L’amour, un peu en retrait, mais indéfectible de Camil qui croit toujours en Rose.
- L’arrivée derrière la porte de l’inconnue, de cette voix qui apaise par les livres, la lecture.
Quelques réserves
Je n’en ai pas trouvé de réserve bien que le sujet puisse paraître dur.
Encore un mot...
L’auteure Sarah Jollien-Fardel reprend des thèmes déjà rencontrés dans son premier roman : la transmission, la violence et la colère maîtrisées. Le livre peut être découpé en deux parties : “La vie de Rose” puis “La vie sans Anna” menant à l’emprisonnement, à cette longe.
Cette longe (qui est barbare en soi) est un lien/prison mais un lien qui est un prétexte à se poser des questions car il est aussi une preuve d’amour. Camil refuse l’internement en hôpital psychiatrique (qui ne guérit pas) ; il décide d’enfermer Rose avec la complicité de ceux qui l’aiment dans ce « mayen » (maison montagnarde) ; attachée certes, mais pas isolée. Cela peut paraître subtil. Camil, avec le temps qui passe et avec son amour, veut donner à Rose la chance de s’en sortir, d’arriver à vivre sans haine, sans colère.
Malgré la tristesse, le deuil, La Longe est un roman superbe sur les racines familiales, l’amour, le pouvoir des livres, de l’écriture, des mots. Dur sans doute en raison de cette longe difficile à admettre, mais un roman tout en délicatesse, pudeur et intensité. Une écriture magnifique.
Une phrase
« Ce drôle de duo de grands-mères, la citadine dépendante et la fille de la montagne rebelle, m’entoure, me protège, m’encourage à croire que tout, vraiment tout m’est accessible. Sans conditions, elles me soutiennent, défendent mes projets (….). Nous nous sommes aimées. Absolument. Grâce à elles, je pensais survivre à tout » p. 60
« Pour moi, à cet instant-là, coupée du monde depuis plusieurs semaines, dans les abîmes du tourment depuis bientôt trois ans, cloîtrée dans cette chambre boisée, aucune distraction que la divagation de mon esprit, que l’observation du changement de lumière ou de la météo, la voix se glisse en moi. Je suis hypnotisée, anesthésiée par sa tessiture, elle m’emballe et me protège. Ce ton, cette diction ni théâtrale, ni surjouée, parfaite, si parfaite. Tendre si tendre ». p. 121
L'auteur
Sarah Jollien-Fardel, 54 ans, est née dans le Valais, où elle vit après avoir passé plusieurs années à Lausanne. C’est son deuxième roman après Sa préférée, chroniquée sur Culture- Tops lors de sa sortie en 2022 :
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