Divorce à la française

Le procès impitoyable du couple

Eliette Abécassis

Grasset
Parution le 2 octobre 2024
279 pages
20,90 euros

Notre recommandation

3/5

Infos & réservation

Thème

Margaux est écrivain, Antoine chirurgien viscéral. Leur rencontre, leur amour, leur union et les deux enfants, Maxime et Emma, qui ont augmenté leur couple revêtent aux yeux de tous l’étoffe de la réussite, familiale et sociale.

Margaux publie avec un certain succès nombre de romans qui la font reconnaître comme un maître du polar, distillant toujours au travers des diverses intrigues élaborées l’âcreté d’un affrontement cynique et très sombre des protagonistes, conclu régulièrement par un meurtre...

Antoine développe avec intelligence et courage son activité de chirurgien des hôpitaux parisiens, gravissant avec la ténacité nécessaire les strates d’une formation marquée par l’implication et l’efficacité.

L’idylle s’effrite peu à peu pour se fissurer puis se désintégrer sous le vent mauvais de querelles successives, toujours plus violentes, allant jusqu’à induire dans leur esprit réciproque l’idée de supprimer feu leur alter ego !

La séparation est inéluctable et ouvre la voie à une procédure judiciaire où la conciliation n’a aucune place.

La juge chargée du dossier collecte la version de chacun des belligérants, de leurs deux enfants, des parents de l’un et de l’autre et de leurs relations les plus proches.

Les témoignages recueillis révèlent une vérité très éloignée de la brillance apparente qu’ils diffusaient !

Charge à cette juge d’extraire de ce chaos les étais d’une décision éclairée « dans l’intérêt supérieur des enfants » ...

Points forts

Le roman d’Eliette Abécassis jette le trouble dans l’esprit du lecteur, ballotté au gré des dires des uns et des autres, chaque propos portant en son sein une potentielle part de mensonge et le poids humain d’une vérité complexe à exprimer.
Le texte est fort, rugueux, vénéneux, reflet abouti de l’étude de cette déshumanisation d’une relation toxique.
Le choix de l’auteure d’empiler les récits des différents personnages contribue brillamment à assurer une déstabilisation du dit-lecteur pour lui laisser entrevoir la difficulté incommensurable de celle qui devra décider au nom de la loi.

Quelques réserves

L’aspect un peu caricatural peut-être des deux personnages principaux, lui drapé dans l’image du chirurgien dévoué à l’extrême dans son travail, délaissant sa famille mais ne manquant pas de conforter un statut de séducteur de bloc opératoire, elle inspirée par des situations romanesques à mi-chemin entre Raspoutine et Landru !

Mais pourquoi pas ? L’atmosphère étouffante brisant définitivement le couple s’en trouve accentuée, aspergeant page après page les mots d’une eau acide.

Encore un mot...

Quel drame !

Eliette Abecassis a écrit ce roman en côtoyant une juge à qui le livre est dédié.

Chaque divorce est un drame puisque c’est une rupture de vie, commune en l’occurrence et dont nous savons la souffrance profonde pour chacun de ses acteurs malheureux, enfants, et surtout, enfants compris.

Ici, le séisme raconté porte en lui tous les affres possibles de l’échec amoureux, allant jusqu’à laisser poindre le désir de mort de l’autre.

C’est un texte dur, vrai, sans doute révélateur d’une situation plus fréquente qu’on ne pourrait imaginer et, dans ce sens, il infiltre notre regard de lecteur d’un malaise certain.

Mais il ouvre un espace de réflexion sur la définition même de l’amour, de l’engagement, de la concession mutuelle et finalement de la nécessaire volonté de se fondre à l’autre sans le « déstructurer » !

Et enfin, devant son titre, faut-il penser que la loi française autoriserait des divorces moins bien encadrés et consensuels qu’ailleurs sous l’angle juridique ?

Le débat est ouvert...

Une phrase

« ...elle m’a pris en grippe, elle a tenté de précipiter les choses pour provoquer mon départ ou pour me supprimer. Pas seulement de sa vie, mais de la vie. Un projet qu’elle a soigneusement mis en œuvre, madame le Juge ». Page 38
« Qu’avais-je fait de ma vie ? Vers où mes faux pas m’avaient-ils conduite et jusqu’où irais-je ? Jusqu’où étais-je capable d’aller dans cette existence indigne, et ne méritais-je pas mieux ? ». Page 91