Topographie de la terreur
Parution en Janvier 2023
320 pages
21 €
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Thème
En ce mois de février 1943, Berlin semble vivre normalement. Si ce n'est l'engagement de la guerre totale déclarée par Hitler. Si ce n'est l'accélération des rafles des derniers Juifs dans la ville. Si ce ne sont les bombardements alliés de plus en plus fréquents. Si ce n'est ce meurtre étrange d'un médecin, retrouvé ligoté à sa chaise, une étoile juive au fond de la gorge. Chargé de l'enquête, le commissaire Gerhart Lenz, membre de la police criminelle (la Krippo), y voit une signature qui écarte la piste crapuleuse pour d'autres mobiles, mais lesquels ?
Ce policier, qui a refusé l'endoctrinement nazi et le cache de son mieux, va mener une enquête qui le conduira vers d'autres crimes à la signature semblable. Il devra aussi accueillir et protéger son ancienne compagne, se méfier de collègues suspicieux sur la transparence de son enquête, et le respect attendu des règles d'aryanisation de la société allemande. Il sera amené à découvrir - et c'est la trame historique authentique de ce roman - que ces crimes sont liés à la réalisation de l'Aktion T4, qui ordonna en 1939 en Allemagne et en secret, l'extermination des personnes "handicapées". Terme qui couvrait alors un champ très large, des dépressions aux handicaps les plus lourds, les personnes déclarées "indésirables" par une autorité médicale complaisante, enfants compris.
Points forts
Le volet historique du roman est son principal point fort, comme la description précise de Berlin et de sa banlieue - que Régis Descott a largement parcouru pour donner à l'histoire un cadre parfaitement crédible.
La vie dans Berlin bombardé, la poursuite de la persécution des juifs ou des personnes apparentées, les rafles, les réseaux de solidarité et "d'exfiltration" organisés par des Berlinois, les nombreux personnages croisés composent un tableau d'une grande diversité sans pour autant alléger la chape de plomb qui pèse sur chacun des protagonistes.
Quelques réserves
Le nombre des personnages, souvent secondaires, apparus à une page et disparu de la suite du roman, apparus au début et surgissant en toute fin… Tout cela m'a un peu perdu au point de ne pas accrocher au récit, bien que l'enquête soit intéressante par son objet et le témoignage historique qu'elle apporte. Cependant, il ne s'agit pas dans ces pages d'une enquête sur l'Aktion T4, qui est plus un prétexte qu'un sujet omniprésent.
Encore un mot...
Topographie de la terreur, avec un titre très au second degré - il s'agit peut être d'une allusion aux différentes peurs qui habitaient les Berlinois en ces années 1943/1944 - à l'image de cette exégèse pas tout à fait certaine, est un roman qui m'a laissé sur ma faim. Le problème de votre chroniqueur est qu'il a lu presque tous les romans de Philippe Kerr, dont le personnage principal est l'inspecteur de la Krippo, Bernhard Gunther, antinazi sous uniforme de la police ou de l'armée allemande, menant ses enquêtes criminelles entre 1936 et 1950… Tout parallèle avec Gerhart Lenz est inévitable, et ne me semble pas tenir la comparaison. Les aventures de Gerhart seraient donc à lire avant celles de "Bernie" Gunther, au risque d'une certaine déception, dont j'ai été victime. Notez cependant la grande qualité de la description de la ville en guerre et la présence dans le récit de nombreux personnages qui ont véritablement existé. L'entrecroisement de ces destins peut faire l'attrait ou le point faible de ce roman.
Une phrase
"Les poignets et les chevilles présentaient les mêmes entailles que celles qui avaient provoqué la mort de Krausse. Le mot Blutwurst "boudin" avait été badigeonné en lettres de sang sur le bord inférieur de la bassine. Gerhart sortit son calepin, mais les techniciens du KTI avaient déjà tout photographié, tout passé à la brosse ou au pinceau, et avec cette affluence il ne pouvait pas s'imprégner de la scène, tenter d'en reconstituer le déroulement, d'établir une connexion. Surtout, l'idée que dans la gorge de Gercke se trouvait une étoile à laquelle il ne pouvait avoir accès l’obnubilait. Cette étoile jaune aurait sur ses collègues l'effet d'un chiffon rouge sur un taureau. La question de l'absence de ce détail chez Krausse ne manquerait pas de surgir, et avec elle, le soupçon que lui-même avait pu la subtiliser." P 132
L'auteur
Régis Descott est auteur de romans policiers. Il mêle dans ses romans l'attrait pour l'histoire, la médecine et la psychologie. Ses thrillers portent notamment sur des affaires criminelles étranges, qui ont pour terreau l'exploration des troubles psychiatriques extrêmes (notamment Obscura, publié en 2008). Journaliste, il a également été concepteur de jeux vidéo.
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