Le suspendu de Conakry
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Thème
Aurel, un personnage à la fois ridicule et attachant, est vice-consul de France à Conakry. Mais il est mis au « placard » du consulat depuis des lustres et raillé par tout son entourage. Quand se produit l’assassinat d’un plaisancier français installé au port depuis des mois, Il se mobilise. Sa hiérarchie est absente, il a un peu de temps devant lui pour agir : il n’a de cesse de résoudre l’énigme de cette mort.
Points forts
1) Dans le décor de cette affaire, le lecteur fait un vrai voyage et apprend beaucoup : Il découvre une ville, des habitants et leur culture, la vie portuaire, la vie du consulat, la paresse ambiante, la chaleur accablante, la misère, l’alcool, la rigolade.
2) Les révélations sur la corruption, en particulier celle des fonctionnaires, et le trafic de drogue confirment que jean-Christophe Ruffin a fréquenté de telles ambassades et qu’il connait son sujet.
3) Très intéressante, l’idée d’un personnage terne transfiguré par sa volonté d’aboutir. Il déploie son intelligence tous azimuts par ses recherches informatiques, son habileté psychologique, sa réflexion et son instinct... et même sa violence.
4) C’est une lecture stimulante : on n’a pas envie de l’interrompre.
Quelques réserves
1) Pourquoi en rajouter trois couches sur le ridicule du personnage, comme cet amas de vêtement d’hiver dont on l’affuble par 45 degrés à l’ombre ? De l’humour peut-être ? Il ne doit pas sentir très bon... Les limites sont un peu dépassées pour donner à aimer ce héros.
2) L’intrigue est très compliquée. J’ai dû relire deux fois le dernier quart de l’ouvrage pour comprendre le dénouement de l’affaire, chose que- je l'avoue- je n’aurais pas faite dans le cadre d’une lecture sans but de chronique
3) Lisant Rufin, on attend des bonheurs de style que l’on ne trouve pas dans ce récit. Evidemment, le policier se raconte de manière plus pragmatique que l'adepte d'un pèlerinage, par exemple. Mais bon, c’est une petite déception.
Encore un mot...
C’est un bon bouquin, pour qui s’intéresse à une vision réaliste de l’Afrique. Mais l’atmosphère est franchement glauque, le style moins heureux que d'habitude et la fin, plutôt obscure.
Une phrase
« Tout à coup, Aurel se redressa en poussant un cri. Il avait vu. Il avait vu ce qui manquait. L’essentiel, ce n’était aucun des papiers qu’il avait collés au mur mais le trou qu’ils dessinaient tous ensemble. Maintenant qu’il l’avait compris, toute la mécanique avait basculé, s’était mise en ordre grâce à cette pièce manquante. Le passé de Mayères, ses faits et geste depuis son arrivée, les témoignages des uns et des autres, tout se réorganisait. Par une sorte de mirage, là où existaient auparavant incohérence et mystère se trouvaient désormais harmonie, logique, vérité. Aurel était debout et se passait la main sur le visage »
L'auteur
Jean-Christophe Rufin est un surdoué qui a vécu mille vies. Comme médecin psychiatre, il est assistant des Assistant des hôpitaux de Paris; comme humanitaire, il est pionnier du mouvement Médecins sans frontières pour lequel il exercera de nombreuses missions, administrateur de la Croix rouge française, président d'Action contre la faim; comme homme politique (il a fait sciences-po en même temps que sa médecine), il pratique les ambassades de pays comme le Brésil, la Gambie et le Sénégal (d'où sa connaissance de pays comme celui du "Suspendu..."), il participe à l'équipe de campagne de Martine Aubry, etc...
Le dénominateur commun de son action, c'est toujours, à grande échelle, soulager la misère et la souffrance.
Comme écrivain enfin, il est l'auteur de 15 romans au moins, sur des thèmes divers et témoignant de sa très grande et très éclectique érudition. Il reçoit notamment le prix Goncourt du premier roman pour l'Abyssin, le prix interallié pour Les causes perdues, le prix Goncourt pour Rouge Brésil etc.
Il est élu en 2008 à l'Académie française.
J'oubliais : c'est un passionné de montagne ...
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