Le serpent majuscule
331 pages -
20,90 €
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Thème
Mathilde, décrite en deux mots lapidaires "grosse vioque", ne paie pas de mine. Personne ne pourrait s'imaginer que, sous ses airs de grand-mère éreintée, se cache une tueuse très professionnelle, grassement rémunérée sur des comptes en Suisse. Quand le système ultra-sophistiqué, élaboré lors de la création des réseaux de la Résistance, se met à dérailler, plus personne ne maîtrise quoi que ce soit et Mathilde s'en donne à coeur joie.
Points forts
- Pierre Lemaitre excelle dans le polar noir absolu. Ses descriptions font froid dans le dos. Et font mouche. On ne lâche pas le livre avant la dernière page
- Dès son premier roman (écrit en 1985 mais “resté dans les tiroirs” de l'auteur) Pierre Lemaitre possède déjà les ficelles du métier et l'art du récit dans lequel les catastrophes s'enchaînent crescendo. Il se met dans la tête de cette tueuse complètement givrée et nous livre les réflexions savoureuses d'une cinglée que rien n'arrête
- Cet ouvrage est délicieusement immoral : les méchants gagnent tout le temps et les gentils passent pour des simplets. Heureusement, l'auteur se rattrape dans les toutes dernières pages
- Le style de l'écrivain est déjà défini : phrases courtes, concises, dialogues percutants, minimum de vocables bien choisis pour un maximum d'action
- L'auteur observe un certain détachement dans la formulation de l'action : plus celle-ci est violente, plus le ton est volontairement neutre envers cette dingue en roue libre, comme si l'auteur n'éprouvait aucun affect
- Et toujours chez Pierre Lemaitre, cet humour persistant même dans les moments les plus noirs.
Encore un mot...
On l’aura compris, Le serpent majuscule, écrit en 1985 et non publié jusqu’à ce printemps 2021, est donc “le premier et le dernier polar de Pierre Lemaitre”.
Pierre Lemaitre a, en effet, commencé à écrire des romans noirs avant de se lancer dans le roman picaresque avec Au revoir là-haut, son immense succès en 2013. Auparavant, il a décortiqué toutes les facettes du polar avec minutie, ce qui rend ses ouvrages si attrayants. Ici, il nous livre une histoire vraiment pas banale: une tueuse, vilaine comme un pou, pot à tabac, une parfaite anonyme, qui manie des engins de mort comme les peintres manient leurs pinceaux, avec de gros dégâts à la clef. Et lorsque la machine s'enraye, on se demande jusqu'où elle va aller. Nous avons là du Pierre Lemaitre pur jus !
Une phrase
- L'auteur nous livre, par l'intermédiaire de la jeune veuve du premier assassiné du roman, une répartition particulièrement savoureuse des rôles dans une famille (page 53) :
"Notre lien était administratif, principalement juridique et fiscal, c'était mon époux... Il possédait les travaux publics, mon père possédait les cimenteries. Et trois filles. Pour mon père, d'ailleurs, c'était pareil. La première a épousé les travaux publics, la seconde la navigation fluviale et les docks portuaires pour transporter et stocker les matériaux de construction. La dernière a épousé le Crédit Immobilier pour financer les travaux publics."
- De temps à autre, une jolie phrase : "La pluie sur la Seine n'est pas sans poésie" (p. 137)
L'auteur
Pierre Lemaitre (1951 - Études de psychologie - passionné par la littérature française et américaine) a publié son premier roman, Travail soigné, en 2006, assez tardivement, et est salué déjà par la critique. En 2011, il publie une trilogie, toujours dans le domaine thriller, Alex, puis Sacrifices et enfin Rosy and John. Il change complètement de style en 2013 lorsqu'il publie Au revoir là-haut, succès phénoménal couronné du prix Goncourt. Là aussi, une trilogie : le deuxième ouvrage s'appelle Couleurs de l’incendie (2018) et le dernier Le miroir de nos peines (2020). L'ensemble est plébiscité autant par la presse que par les lecteurs. Les romans de Pierre Lemaitre ont été récompensés de multiples fois et le nom de l'écrivain est désormais synonyme de succès.
Commentaires
Bonjour, je me suis régalée, petit doute en début de lecture et plaisir crescendo... apothéose finale. ds mon imaginaire, Balasco en tueuse déjantée. Bon ouvrage, bien écrit, stylé!!
Je crois avoir compris qu'il s'agissait du premier et du dernier polar de l'auteur. Après l'avoir lu je l'approuve de s'être arrêté là. Pourtant j'aime bien les histoires déjantées, l'humour noir et l'absurde, mais je goûte moins, pour ne pas dire j'abhorre, les descriptions sanguinolentes et macabres ; et puis pourquoi décapiter ce pauvre dalmatien qui, j'ai vérifié, n'était absolument pas de descendance royale et n'aurait donc pas dû tomber sous le couperet d'une pseudo guillotine. Ce penchant de l'auteur pour des descriptions qui relèvent du domaine de l'autopsie, me font penser à une vocation refoulée de médecin légiste ; à moins que dans son enfance il n'ait subi un grave traumatisme en regardant ses petits camarades s'amuser à arracher les ailes des mouches ; ou bien dans un TP de biologie assister à l'insupportable dissection d'une grenouille.
Mais trêve de supputations psychanalytiques ; hormis ces passages sanglants, j'ai apprécié le style libre et fluide, ainsi que la ligne générale du récit un peu et même franchement "foutraque". Je retrouverai peut-être cet auteur dans la mesure où son obsession médico-légale ne poindra pas soudain au détour d'une page.
Du noir qui brille du début à la fin.. Et Mathilde c'est Balasko si on fait un film ...
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