Le don du mensonge
Parution en août 2023
324 pages
22,50 €
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Thème
Le Commissaire Brunetti est bien connu des fidèles de l’américaine Donna Leone installée à Venise depuis plus de trois décennies. Il engage dans ce nouvel opus, sa trente et unième enquête.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, le commissaire pourrait être décrit comme un fonctionnaire pugnace et subtil, n’hésitant pas à franchir les lignes pour résoudre les mystères et les crimes les plus sombres ternissant les lumières de la Sérénissime, sa ville tant aimée.
Cette fois, à la demande d’une vieille connaissance de sa famille, le commissaire se lance dans une nouvelle enquête … officieuse. La vieille noblesse vénitienne ne saurait laisser s’ébruiter qu’une ombre, voire des menaces, planent sur sa réputation et, qui sait, sur l’intégrité physique de ses membres. Et voilà notre célèbre héros, avec l’aide de quelques fidèles de la Questure, plongeant doucement et discrètement dans les milieux feutrés et affables des œuvres de bienfaisance et de leurs donateurs. Quoi de plus vertueux en effet, qu’un respectable entrepreneur à la retraite qui décide de financer un hôpital délabré au Bélize ?
Points forts
- Donna Leone aime profondément Venise et nous fait respirer comme à chaque fois, ses parfums, son atmosphère unique ; on suit les déambulations du commissaire à travers les rues, les canaux, les piazzete, en s’imaginant dans ses pas, au milieu du vrombissement des vaporetti ou dans le silence de la nuit tombée sur les eaux silencieuses.
- Dès le début du livre, l’atmosphère est inhabituellement lourde, pesante ; on sent le commissaire fatigué, insensiblement vieillissant, à l’aune de cette ville que l’auteur nous dépeint avec une franche nostalgie. Les commerces qui ont fermé depuis la Covid, les lieux qui ont été adaptés au tourisme de masse, la « vie d’avant » qui lutte pour survivre sans grand espoir, apportent leur langueur et leurs regrets.
D’ailleurs, c’est bien parce qu’il s’est laissé émouvoir et rattraper par les souvenirs de son passé d’enfant que Brunetti a accepté cette mission secrète.
L’énigme nous entraîne derrière les portes massives, les lourds rideaux de velours, dans l’intimité des vastes appartements des vieux palais fragiles encore occupés par de vieux notables qui, comme la ville, comme l’auteur peut-être, sont touchés par la vieillesse et la fin d’un monde de splendeur sur lequel ils régnaient en seigneurs.
Une odeur fétide de vulnérabilité, d’incertitude, de naufrage, flotte au milieu des êtres et des lieux.
Cette atmosphère donne au commissaire une fragilité nouvelle qui renforce son humanité. - Sous les airs légers d’une intrigue policière, le récit nous interroge sur notre rapport au temps et ouvre des questionnements qui se prolongent une fois le livre refermé.
- Notons également le dénouement très inattendu de l’intrigue, qui donne un souffle dynamique aux derniers chapitres.
Quelques réserves
Le rythme languissant du récit pourra dérouter les aficionados de Donna Leone. Certains pourraient ressentir de l’impatience avant que les pièces du puzzle ne prennent place. Mais c’est toute la particularité et la saveur de cet opus, qui surprend par sa profondeur sous l’apparente banalité des choses.
Encore un mot...
Pour les lecteurs qui découvriront au travers de ce livre les exploits du Commissaire Brunetti, rien de mieux que de lire plusieurs de ses précédentes enquêtes. Venise y est omniprésente et le commissaire est un Vénitien attachant, brillant, singulier, aimant, très attaché à sa famille et …gourmand des plats locaux qu’il déguste chez lui ou dans de petits établissements confidentiels que l’on a hâte d’essayer de découvrir au prochain voyage.
Une phrase
«Il se rendit aux Fondamente Nuove et prit le 4.1 pour Murano, descendit à Colonna, franchit le premier pont et se dirigea vers le campiello Turella. Une fois sur cette placette, il gagna le bâtiment qui faisait face à la clinique de la dottoressa del Balzo.
Il sonna à « Galvani » et entendit immédiatement le cliquetis de la porte. Il entra et en grimpant les dernières marches menant au deuxième étage, il vit une femme mince, aux cheveux blancs, debout devant une porte ouverte.
« Signor Brunetti ? » demanda-t-elle.
Elle portait un pull vert foncé si épais qu’il lui rappela la haine que la Comtesse voue elle aussi au froid.
« Si, signora Galvani répondit-il en accédant au palier. Merci d’avoir accepté de me parler. »
Son regard étincelait d’intelligence.
L'auteur
Élevée dans le New Jersey au sein d’une famille catholique aimante, Donna Leone fut tour à tour professeur de littérature, guide de voyage au travers de l’Europe, en Iran et en Arabie Saoudite.
Elle tombe amoureuse de l’Italie lors de son premier voyage et s’établit à Venise où elle commence à écrire ses romans policiers avec Venise pour toile de fond et le commissaire Brunetti comme figure tutélaire. Son premier roman, Mort à la Fenice, est couronné du prix japonais Suntory qui récompense les meilleurs suspenses. Elle vit depuis 2015 entre Venise et la Suisse.
Ses romans sont traduits dans plus de vingt langues et ont fait l’objet d’adaptations télévisées dans plusieurs pays. Mais ils ne sont pas traduits en Italien. Elle refuse que ses livres soient vendus en Italie pour préserver son anonymat et se garder de la critique italienne qui, pense-t-elle, ne la comprendrait pas et lui prêterait un parti-pris stéréotypé sur les italiens.
Commentaires
Fort bien analysé.
Il ne reste à souhaiter que la Sérénissime survive à son milieu vicié, faute de qui le héros-Commissaire devrait se reconvertir en enquêteur marin, voire scaphandrier en eaux troubles.
Quel dommage de sombrer dans la facilité, Madame Donna Leon n’a pas besoin d’argent, je lui demande de continuer à nous faire rêver et de ne pas écrire le guide du routard
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