LES LETTRES DE PAUL MORAND : TOUTE UNE EPOQUE !
Paul Morand revient dans l'actualité chez les éditeurs, puisque paraissent au même moment, le volume III de sa Correspondance avec Jacques Chardonne (chez Gallimard) et les Lettres à Pierre Benoît (chez Albin Michel). Le point commun de ces deux livres est que s'y profile toujours l'ombre du général de Gaulle avec lequel Morand était en délicatesse... (c'est le moins que l'on puisse dire, en vérité il s'agissait d'une haine bien recuite !)
La correspondance Morand-Chardonne, en ce troisième volume (le premier est paru en 2013 et le deuxième en 2015) couvrant la période de 1964 à 1968, ne compte pas moins de 1184 pages ! Elle s'achève en mai 68, au moment de la mort de Chardonne. Tout au long de leur vie, ces deux-là ont observé le monde dans lequel ils avaient vécu, mais le nouveau monde qui nait sous leurs yeux, non seulement ils ne le reconnaissent plus mais ils le désapprouvent. Qualifiés de "conservateurs d'extrême droite", tout leur est contraire : la politique, la musique, les moeurs, les réformes, les conflits mondiaux, la nouvelle littérature, etc...
Les lettres à Pierre Benoît, elles, présentées par Stéphane Barsacq qui en signe la préface, ont l'avantage d'être inédites. Elles dévoilent bien entendu l'amitié entre les deux écrivains en insistant notamment sur les démarches de l'un et de l'autre pour l'Académie française. Pierre Benoît y siégeait depuis 1931. Et Morand voulait absolument en être (il s'était présenté une première fois en 1936) mais s'est vu rejeté en 1958, bien que son ami ait fait campagne pour lui, l'influence contraire de Français Mauriac (et de Gaulle) ayant été la plus forte. Morand finit par être élu sur la fin de sa vie, en 1968 (né en 1888, il avait 80 ans, il était temps !) après que de Gaulle ait enfin consenti à une nouvelle candidature.
Au-delà de ces querelles, l'intérêt de lire les lettres de Paul Morand reste entier pour se plonger dans une époque et un milieu observés par un esprit des plus fins. On y retrouve son style mordant, vif, drôle, impertinent et... élégant (ainsi que le souligne Sébastien Lepaque dans Le Figaro littéraire du 2 décembre 2021).
Et pour mieux connaître ce personnage controversé, rien de mieux que de lire sa biographie, par Pauline Dreyfus (Gallimard), tout simplement intitulée Paul Morand,
que notre chroniqueur Yann Kerlau a largement recommandée, résumant ainsi sa lecture : "Le plus époustouflant de cette biographie tient à son rythme et à cette analyse profonde et nuancée de Pauline Dreyfus ne laissant de côté ni les travers de Morand ni les raisons de ses choix. Une qualité d’écriture et de pensée qui en fait un régal".
De nombreux visiteurs de notre site ayant apprécié cette chronique ont laissé un commentaire que l'on peut lire à la suite de la chronique.
De Paul Morand, lui-même, on peut trouver sur Culture Tops, une autre chronique signée Yann Kerlau : Mon plaisir en littérature.
Et son Journal de Guerre 1939-1943 (Gallimard), une chronique signée Rodolphe de Saint-Hilaire.