Chronique festivalière du 18 juillet
Bonjour à tous,
Chaque jour nous réserve son lot d'émotions ou de spectaculaire. Des classiques revisites ou tout dans la tradition, des drames existentiels, du cirque... quel foisonnement.
Un régal que ce festival.
Bonne lecture
Jean-Pierre Hané
LES MENTEURS – de Julien Guyomard
Mise en lecture : Julien Guyomard
Avec : Julien Cigana, Agnès Ramy, … (en cours)
Dans un monde post-apocalyptique , un groupe d’individu s’est réuni en communauté pour résister par rapport au zombies qui se rapprochent , les encerclent et les assiègent. Mais ceux-ci ne sont pas les monstres que l’on croit, on découvre leur réalité de vie, leurs besoins… alors on les utilise d’abord, on les exploite ensuite mais l’un d’entre eux se pose en grain de sable dans le système, alors tout se remet en question.
ENCORE UN MOT
Avignon c’est aussi le temps des présentations et des lectures de compagnies qui présentent leurs projets à venir. Celui est très enthousiasmant. La compagnie Scena Nostra depuis plusieurs années s’intéresse à notre société et par des écritures fictionnelles innovantes nous repositionnent souvent dans ce que nous fabriquons pour notre avenir. Cette année à travers l’allégorie des zombies, Julien Guyomard, s’attelle aux problèmes des réfugiés, de l’étranger, de l’intégration de l’autre dans notre système social. Il dénonce la valeur dominante de la méritocratie par une allégorie hilarante sur les « Zombies ». C’est un vrai régal d’intelligence, d’impertinence et de réflexion qui promet de donner un très beau résultat final. Ils sont en recherche de production, de co-production, de résidences. C’est une compagnie à suivre avec grand intérêt. Un auteur à la plume trempée dans la justice et la générosité.
SIX de Flip Fabrique et Jamie Adkins
Mis en scène de Olivier Lépine
Avec : Jamie Adkins, Jacob Grégoire, Dylan Herrera, Camille Trembaly, Méliejade Tremblay Bouchard
Ils sont cinq à recevoir une mystérieuse invitation dans cette maison abandonnée au cœur de la forêt par un jour de pluie. Cette maison va révéler les différentes personnalités de ces visiteurs qui après être passés les uns à côté des autres, trouveront le chemin d’une solidarité.
C’est un spectacle rafraîchissant, virevoltant, ingénieux, dans lequel de nombreuses disciplines circassiennes sont mises à l’honneur dans une dramaturgie loufoque et tendre.
Équilibrisme, jonglerie, fildefériste, acrobatie, trempoline, on n’en finit pas de dénombrer les qualités de ces 5 circassiens qui nous transportent dans un monde dont on oublie la réalité temporelle pour s’échapper vers un jardin du bonheur des yeux. C’est un rendez-vous familial dès le plus jeune âge dont on ne saurait se priver. Pousser la porte de cette maison de tous les possibles, vous ne le regretterez pas.
LA DERNIERE LETTRE – de et mise en scène par Violaine Arsac
Avec : Cécilia Hornus, Marie Bunel, Gregory Corre, Noémie de Lattre, Gaëlle Billaut-Danno, Mathilde Moulinat
Le mari d’Anna a été tué, jugé condamné. La mère du meurtrier fait irruption dans sa vie pour lui remettre un courrier de son fils, l’assassin de son mari. Qu’a t’il à lui dire et peut-elle trouver la force de lire cette lettre. A la lecture tout bascule.
POINTS FORTS
Un scénographie simple glaçante et efficace
La très sensible interprétation de Célcilia Hornus, bouleversante de pudeur et d’humanité
Gaëlle Billaut-Danno campe une épouse courageuse et résiliente avec retenue et simplicité
Gregory Corre assume une morgue et une froideur redoutable sous les blessures qu’il a du mal à cicatriser. La jeune avocate campée par Mathilde Moulinat est une belle composition d’un personnage aux velléités courageuses.
POINTS FAIBLES
L’intrigue traîne parfois un peu en longueur sur des situations répétitives mais ça c’est mon impatience de spectateur.
ENCORE UN MOT
Voilà un récit poignant qui met en lumière le parcours d’une mère déterminée à sauver son fils coûte que coûte qu’elles que soient les conséquences. Une pièce sur le pardon, la résilience. Une réflexion sensible sur la peine de mort sans pathos, ni démonstration et parfaitement interprétée. On goûte mieux le plaisir de connaître notre justice française quand on voit la radicalisation des méthodes américaines. Jusqu’où est on prêt à appliquer ses convictions humanistes ? Sommes-nous capables du pardon face à la mort violente d’un proche ? La justice est-elle adaptée au comportement humain ? Punir ou donner une seconde chance à l’improbable horreur qui bouleverse des vies ? Un beau sujet de réflexion portée avec conviction par une distribution tout en pudeur et en sincérité.
LA CHAMBRE DES MERVEILLES – d’après Julien Sandrel
Théâtre actuel – 19H40 – relâches 10,17,24 Juillet
Mise en scène de Jean-Philippe Daguerre
Avec : Magali Genoud, Marie-Christine Letort, Théophile Baquet, Juliette Behar, Jean Alois Belbachir, Romain Lagarde
POINTS FORTS
Une très belle scénographie
Une équipe de comédiens en parfaite symbiose qui joue un jeu parfaitement équilibré dans les codes du genre
POINTS FAIBLES
J’aurais préféré une fin moins consensuelle, mais ça , c’est moi.
ENCORE UN MOT
Peut-on encore écrire un mélodrame au XXIème siècle sans que celui-ci soit grotesque et pathétique… la réponse est oui. C’est au bon sens du terme que l’adaptation du roman de Julien Sandrel a été mis en scène par Jean-Philippe Daguerre dans ce genre difficile. La mort d’un enfant est insupportable, insurmontable, l’attente de cette fin fatidique aussi quand le pronostic vital est engagé sans beaucoup d’espoir. C’est une pièce ou toute la tendresse du monde est contenue pour atteindre l’amour sans réserve, sans condition. La force et la volonté d’un mère-courage de nos jours pour le retour à la vie. Il faut noter la performance de Magali Genoud qui porte ce spectacle avec une sincérité et un engagement désarmant et qui mène toute l’intrigue pour notre plus grand bonheur. Notre petit cœur de spectateur est mis à contribution pour le droit au bonheur et le spectacle fait mouche – mouchoirs à l’appui. Il est toujours bon de verser sa larme au théâtre car c’est le signe d’un travail réussi ou la fiction l’emporte sur la réalité.
ANDROMAQUE – de Jean Racine
Mise en scène de Robin Renucci
Avec : Judith D’Aleazzo, Thomas Fitterer, Maryline Fontaine, Solenn Goix, Julien Léonelli, Sylvain Méallet, Patrick Palmero, Chai Sabaty
A l’issue de la guerre de Trois, véritable boucherie sanguinaire, Andromaque s’est retrouvée la captive de Pyrrhus- vainqueur de Troie. Mais il est tombé amoureux de la reine déchue et malgré son engagement auprès d’Hermione qu’il doit épouser, il va bouleversé tout l’ordre du palais et des covenances.
Robin Renucci propose une tragédie dépouillée ou seuls les comédiens vont avoir à se battre avec pour seuls truchements leur âmes et leurs sentiments. Sur un plateau nu, les passions s’affrontent et les cœurs se déchirent. C’est le feu qui incendie les personnages de cette tragédie qui finiront consumés sans retour par l’enchaînement des événements et l’inexorable fatalité qui les poursuit. Aimer sans retour, être aimé sans réciprocité, ce qui n’est pas ce qui règle l’ordinaire. D’exaltation en humiliation, de passion en devoir, tous les caractères se perdent inéluctablement sur le chemin d’une tragédie sanglante sans retour.
Sans artifice Robin Renucci renoue avec une tradition de plateau dédié au jeu, centré sur ses interprètes et dans un respect du texte en vers pour nous faire sentir toute la musicalité et la brutalité des sentiments. Le feu brûle Hermione de façon magnifique, incarné par Maryline Fontaine saisissante qui fut précédemment une Phèdre incandescente dans la trilogie proposée par les Tréteaux de France que quitte Robin Renucci pour prendre la direction du Théâtre de la Criée à Marseille.
BRITANNICUS – Tragic Circus – écrit et mis en scène par Pierre Lericq
Théâtre actuel – 19H55 – Théâtre du Balcon relâches, les 12,19,26 juillet
C’est l’histoire de Néron, Agrippine , Britannicus…. et les autres, menée tambour battant sur la piste d’un cirque par un Monsieur Loyal impitoyable avec sa galerie de monstres. La tyrannie y règne en maître au propre comme au figuré. Comment revisiter un mythe à l’aune de notre société d’aujourd’hui avec ses dérives, quel choix avons-nous d’être bon ou mauvais ?
POINT FORTS
L’insolence et l’irrespect
L’immense talent de bouffonnerie de Pierre Lericq et de ses interprètes
La force du propos
La jubilation du jeu
l’énergie électrique d’une troupe qui force l’enthousiasme
POINT FAIBLES
Un soupçon d’excès mais un bon coup de fouet
ENCORE UN MOT
Tout est miroir entre la grande Histoire et la petite histoire de ces êtres malmenés.
Mais la tragédie comme ça… ? Moi je dis oui. Tous les codes sont là, bien présents mais bousculés, malmenés pour nous atteindre plus profondément dans nos conventions du nouveau siècle. Une belle entrée en matière pour les rétifs à la tragédie, une « vulgarisation » de génie pour des lycéens susceptibles au mal de vers. Tout est authentique, historiquement vrai, sérieux mais distendu sous la poigne magnifiquement énergique de Pierre Lericq. Dans un récit explosé, les figures emblématiques de la tragédie éponyme évoluent sous le fouet implacable et « sous vos applaudissements » d’un meneur de jeu redoutable. Ouvertement Rock n’roll, les Epis noirs, une fois de plus déflorent avec insolence et démesure un grand mythe de la littérature. Un bon coup de fouet s’impose !