Chronique festivalière du 12 juillet
Le talent court les rues d'Avignon, on ne sait que choisir.
Alors permettez-moi de vous soumettre cette petite sélection du jour.
Au plaisir de vous faire plaisir ...
MAYA – de Eric Bouvron
ESSAION théâtre – 10H – relâche les 11,18,25 juillet (succès reprise)
mis en scène par Eric Bouvron
Avec : ursulin Kairson, Julie delaurenti, Vanessa Dolmen, Tiffany Hofstetter, Margaux Lempley, Sharon Mann, Audry Mikando, Elisabeth Wautlet, Christophe Charrier Joze Ugma
Une parenthèse en«chantée »
Maya, petite fille de 8 ans décide un jour de ne plus parler. Au bout de 5 ans de silence sa rencontre avec Miss Flowers va entièrement bouleverser sa vie.
POINTS FORTS
La découverte d’une artiste peu connue
Un quintett vocal d’une grande qualité
POINTS FAIBLES
Aucun, le seul point faible est notre cœur touché par tant d’émotion
ENCORE UN MOT
Reprise d’un succès de l’an passé ce spectacle est écrit à 10 mains et un cœur et mis en scène délicatement par Eric Bouvron
C’est par ce délicieux spectacle musical merveilleusement interprété par cinq interprètes-chanteuses que peut commencer votre journée.
Ursuline Kairson, l’inoubliable étoile du « Paradis Latin » est ici la douce et innocente petite Maya au destin incroyable de résilience, de passion et d’engagement. Bercés par toutes les mélodies qui viennent en toile de fond envahir notre univers sonore, ces cinq voix mélodieuses, jouent et chantent la vie cette enfant avec délicatesse, engagement et un charme indéfinissable. Eric Bouvron, une fois de plus, sait par le dépouillement de son dispositif scénique mettre à nu un sujet passionnant. Avec lui, chaque pièce est une aventure qu’il transforme en conte initiatique. Sans porter aucun préjugé sur les événements, il les relatent avec justesse, nous laissant seuls juges de la situation.
Nous nous laissons aller à l’émotion, des petites larmes s’échappent au gré d’un refrain que nous nous surprenons à fredonner pour nous apaiser. Une jolie leçon de courage, une bel hymne au féminin.
C’est un petit bijou à ne pas manquer.
SCROOGE – Comme un homard dans une cave obscure d’après Charles Dickens
Jardin Al-Andalus- 11H15 – relâches les 12,19,26 juillet (succès reprise)
Mise en scène Isabelle Starkier
Avec : Joelle Richetta
Mystérieuse poupée-surprise
Un soir de Noël, Scrooge découvre qu’une vie vouée à l’argent engendre peu de profits. Itinéraire d’un enfant complexe. Une aventure édifiante, littéraire, populaire, fantastique et…philosophique.
POINT FORTS
Originalité de la scénographie
Redécouverte de Charles Dickens
Un spectacle pour enfants de grande qualité
POINTS FAIBLES
Ben… c’est bien et j’ai passé un bon moment
ENCORE UN MOT
Adaptation libre de Scrooge, cet horrible bonhomme, exploiteur en tout genre qui va faire face à son destin. Dans un style commedia dell’arte, à la frontière du masque et du théâtre d’objet, la metteuse en scène nous propose un personnage démiurge tout à la fois conteuse et actrice duquel émerge toutes sortes de surprises qui donne au récit sa singularité et son mystère. En plein air et de bon matin, on ne regrette pas l’atmosphère du jardin de ce théâtre qui agrémente agréablement ce spectacle pour petits et grands. Entrez dans l’univers du conte et du fantastique par le biais de cette étrange grande poupée parlante. Originalité et théâtre total (masques, poupées, objets) sont au rendez-vous. Une curiosité enthousiasmante, à la portée de tous.
MADEMOISELLE GAZOLE – de @nicolasturon
La Luna – 10H – relâches , les 19, 26 juillet
Mise en en scène : Laura Zauner, Georges Vauraz
Avec : Laura Zauner et Georges Vauraz
Allô enfants service…j’écoute !
Dans un monde futuriste ou un ailleurs indéfini, les parents louent des enfants à l’heure ou à la journée pour retrouver leurs émotions de parentalité. Ces enfants sont formés par des agents pour des missions particulières à la demande des parents : raconter une histoire, un goûter d’anniversaire. Parmi ces enfants Monsieur Gazole a la charge de Mademoiselle en qualité de majordome. Cette relation qui se doit être toute professionnelle va se compliquer d’un attachement qui entre en contradiction avec l’agence qui les emploie…
POINTS FORTS
Une magnifique scénographie ingénieuse
Un conte émouvant qui porte un regard particulier sur l’enfance
La douceur et la profondeur du traitement
Une manipulation intelligente et sensible
POINTS FAIBLES
Pas trouvé
ENCORE UN MMOT
C’est sous la forme d’un conte initiatique que Georges Vauraz et Laura Zauner nous entrainent sur les pas de cette petite fille en mal de parents et sur la fêlure de Gazole, monsieur en mal d’enfants. La vie fait de nous des enfants qui s’oublient à l’âge adulte. Les pudeurs, les tendresses s’effacent, fini l’insouciance et le droit à l’innocence. Dans ce monde étrange où l’affection se monnaie, se loue, Nicolas Turon, réveille chez le spectateur les élans du cœur qui ne sauraient se tricher, ni s’improviser. L’importance de la famille, quelle qu’elle soit, est essentielle pour avancer, pour se construire. On ne choisit pas sa famille mais on peut se la créer quand la complicité se mue en nécessité. C’est ce que ce spectacle revendique avec pudeur et onirisme. Le travail au plateau avec la manipulation de la marionnette de Mademoiselle combinée avec le jeu de Georges Vauraz ouvre le champ de l’imaginaire. Un très beau moment de tendresse à partager en famille.
CONTE DE FEES – de Marie-Catherine d’Aulnoy
Alaya, le Théâtre – 11H20 – relâches les 12,19,26 juillet
Mise en scène : Aurore Evain
Avec : Amal Allaoui, Nathalie Bourg, Alice Trocellier
Trois fées nous présentent en alternance deux contes du 17ème siècle : La belle aux cheveux d’or et Chatte blanche
POINTS FORTS
Une agréable scénographie
Un univers musical original et d’une très belle qualité vocale
POINTS FAIBLES
La dramaturgie des contes est un peu écornée par une improvisation pas toujours nécessaire.
ENCORE UN MOT
Réhabiliter les contes de cette autrice du 17ème est un travail de fonds chez Aurore Evain dont le travail de recherche sur les autrices oubliées du répertoire est tout à fait remarquable. Si la situation de départ ne tient pas forcément toute la longueur, on redécouvre avec beaucoup de plaisir ces deux contes oubliés et souvent cruels ? La belle aux cheveux d’or nous offre le portrait d’une princesse exigeante et farouchement libre qui mènera de bout en bout son destin au-delà des conventions. Les parties chantées sont magnifiquement interprétées avec délicatesse par une comédienne-soprano et cette initiation délicate à un univers musical d’un temps révolu est un vrai plaisir qui donne une couleur toute particulière au spectacle.
Partez dans l’univers des contes, vous êtes entre de bonnes mains.
NOTRE PETIT CABARET – de Béatrice Agenin et Emilie Bouchereau
Au coin de la lune – 15H – relâches les 10,17, 24 juillet
Avec : Beatrice Agenin, Emilie Boucherau
De mère à fille à « tire-d’elles »
POINTS FORTS
La délicatesse de langue
L’humour et la délicatesse de l’interprétation
POINT FAIBLES
Quelle nécessité d’en chercher, laissez-vous aller.
ENCORE UN MOT
Fantaisie musicale et poétique ou Rimbaud côtoie Cole Porter, Proust et Racine sont en voisins de Madame Colette agrémentés des compositions musicales d’Emilie Boucherau.
Mère et fille évoluent en totale complicité et tendresse pour un voyage commun au cœur des sentiments. Béatrice Agenin, merveilleuse comédienne nous enchante par la musicalité des textes qu’elle nous offre et en profite pour s’amuser aux dépends de Racine dont elle fut une inoubliable interprète. Emilie Bouchereau, chanteuse et musicienne complète le tableau de ses compositions délicates et ses interprétations personnelles de grand standards. La complicité est au cœur de ce spectacle qui est une très jolie déclaration d’amour filial. Voyagez un moment sur le fil de l’émotion grâce à vos deux hôtesses. Ici tout est calme et beauté, luxe, calme et volupté.
LE TEMPS DES TROMPETTES – de Félicien Chauveau
Chêne noir – 21H20 – relâches les 11, 18, 25 juillet
Mise en scène et interprétation de Félicien Chauveau
Molière le flamboyant
Comment s’est créé le personnage de Molière ? Comment s’est-il construit depuis son enfance au Pavillon des singes jusqu’à l’Illustre Théâtre. C’est une épopée diablement vivante que l’on suit jusqu’à son arrivée à la cour du Roi Soleil. On y croise tous les protagonistes qui ont fait le grand homme, ses compagnons de route, ses sources d’inspiration sous l’œil attentif d’un Plaute invisible et bienveillant dont l’aura protectrice veille sur celui qui deviendra « le patron »
POINTS FORTS
L’interprétation magistrale de Félicien Chauveau dans cette dramaturgie incandescente qu’il nous propose.
La qualité du portrait documenté qui révèle un auteur attentif au détail dont le travail d’écriture mérite d’être souligné.
Une scénographie astucieuse, économique et élégante
POINTS FAIBLES
Des quoi ? ... Que des points de suspension tant le travail mérite des applaudissements !
ENCORE UN MOT
C’est un coup de cœur que ce magnifique travail de Félicien Chauveau. On y découvre un interprète charismatique et généreux qui emporte tout de suite l’adhésion du public. La forme du spectacle est aussi originale, mêlant les anachronismes avec la réalité de l’époque comme un bateleur qui ferait feu de tout bois sur les tréteaux du Pont-Neuf. Une remarquable documentation nous fait revivre avec feu tous les compagnons de route et ceux souvent oubliés par la grande Histoire mais qui furent les soutiens, les pygmalions de Molière.
Revivre les premières années de galère du grand homme sonnent étrangement comme un écho à notre époque si douloureusement atteinte dans ses efforts de résistance. On découvre le Jean-Baptiste flamboyant d’énergie et de fougue qu’Ariane Mnouchkine nous découvrit en son temps. Ne manquez pas ce spectacle étonnant, seul en scène virevoltant, original et d’une saine gaité. Si le talent se déguste, alors vous allez vous régaler à l’ombre du chêne noir.
Vous l’aurez compris, c’est à mon sens incontournable et pour ces 400 ans, un des plus beaux hommages au maître de notre corporation.