Chronique festivalière du 11 juillet
Chers lecteurs, si vous passez par Avignon et que votre œil est submergé de propositions voici un petit guide journalier pour vous aider dans vos choix.
Cette fourmilière artistique nécessite parfois un petit guide.
JE NE VOUS AIME PAS – de Pierre Notte
Intermèdes de Marianne Wolfsohn
Par la Cie La Ramée – à l’Artéphile 18H45
Quelle formidable entrée en matière pour le festival d’Avignon qu’une pièce sur le Théâtre. Une réflexion profonde, parfois acerbe, désespérément réaliste. Les réalités, les choix d’une politique culturelle cohérente et efficace, le fait de faire vivre la culture en territoire, toutes ces problématiques sont retranscrites avec un humour féroce dans une joute oratoire sans pitié entre les deux protagonistes. Un portrait sans concession sous le masque de la comédie, d’un art qui lutte sans cesse pour exister, pour résister. La parole est donnée à tous, organisateurs, institutionnels, comédiens, public ; une parole démystifiée merveilleusement rendue par les trois comédiennes Nathalie Bécue, Sylvie Laguna et Marianne Wolfsohn, qui a recueilli les « paroles données » par les habitants d’une communauté de commune et qui nourrissent le texte d’une empreinte sensible.
Vous allez aimer ce « Je ne vous aime pas ».
ALBERT EINSTEIN, un enfant à part – de #Brigitte Kernel
3 soleils – 10H15 – relâches les 12,19,26 juillet
Mise en scène : #Victoire Berger-Perrin
Il y a l’enfance de l’art et l’enfance des génies. Comment devient-on un grand savant ?
Vit-on un début différent dans la vie ? Où se trouve la frontière entre un enfant éveillé et celui qui passe pour autiste ? Nous construisons notre vie à la lueur de notre enfance et il faut parfois patience et volonté pour pouvoir être compris. C’est le cas de ce petit garçon passionné de mathématiques, au physique un peu ingrat qui doit attendre son heure pour enfin pouvoir se révéler au monde.
Quelle belle idée d’initier nos plus jeunes spectateurs au monde la science à travers la l’enfance d’Albert Einstein. On découvre ce parcours douloureux mais résigné de ce petit garçon qui « pense toujours plus loin » que ses congénères du même âge. Il veut tout comprendre, il est en appétit constant mais il n’est pas compris, moqué, rabaissé. Alors il va chercher à s’échapper grâce pour prendre son mal en patience et tâcher à sa manière de faire avancer le temps. « Pourquoi le temps passe si vite pour les adultes alors qu’il paraît toujours si long pour les enfants » ?
En une explication toute simple l’auteur nous révèle le secret de la relativité.
Le thème de la différence, du regard des adultes sur le monde de l’enfance - qu’ils voudraient calquer sur leur progéniture - évoque cette peur qui mène à l’autisme. Mais le personnage d’Albert n’est jamais vaincu, il puise force dans une observation constante et une malice à toute épreuve.
L’adaptation du roman de #Brigitte Kernel est un régal de bonne humeur, d’intelligence et de sensibilité. Accessible à tout public, il est construit comme une bande dessinée qui réjouira petits et grands.
COMEDIENS – de #Eric Chatelauze
3 soleils – 11H35 – relâches les 12,19,26 juillet
Mise en scène : Samuel Sené
Crée en 2018 et largement récompensée à sa création, c’est un bonheur de retrouver ce spectacle, vif, enjoué. Un théâtre musical d’une grande qualité dont le compositeur #Raphaël Bancou a su créer un livret original. Courant du vaudeville au drame, la forme comme le fonds nous réjouissent du début à la fin.
La rythmique développée #Samuel Sené, le metteur en scène, est d’une grande intelligence.
Magnifiquement secondé par une distribution exceptionnelle #Marion Prété, #Fabian Richard et #Cyril Romoli qui vous emportent dans un tourbillon incessant de chansons et de ruptures de jeu formidables. On ressort tout gonflé à bloc de bonne humeur tant les comédiens ne ménagent pas leur talent pour nous ouvrir cette boite à musique.
Commencez la journée avec ce spectacle, c’est mettre des tigres dans votre moteur !
ALCESTE ou l’acteur fou – de Anne Delbée
Petit Louvre - 13H45 – relâches les 12,19,26 juillet
Mise en scène : #Anne Delbée
L’acte théâtral comme dernier acte désespéré de résistance ou de rébellion. C’est le cri d’Anne Delbée dans ce spectacle qui exhorte à la réflexion sur le vivre ensemble essentiel du théâtre. Débordé par les écrans en ces derniers temps de pandémie, on ne saurait oublier que cet art est un art vivant et que rien ne remplacera le partage de chair et de cœur d’une représentation. A travers les mots d’Alceste, la voix de Célimène omniprésente et d’autres personnages de son théâtre, on découvre peu à peu l’homme Molière, cet atrabilaire amoureux, à la vie riche mais chahutée, en but à tous les compromis mais qui s’accroche à sa liberté. Molière parle de lui à travers ses pièces et on se laisse emporter par la folie, le désespoir mais aussi les joies et les enthousiasmes du poète. Homme blessé, poète parfois meurtri mais vivant, terriblement vivant et si contemporain. Laissez-vous emporter par cette fougue lyrique et profondément humaine de cet Alceste-Jean-Baptiste flamboyant. Parce que le théâtre est essentiel à nos vies, il faut venir se ressourcer au Petit Louvre et ressortir armé d’un espoir invincible.
UN CADEAU PARTICULIER – de #Didier Caron
Théâtre Baretta – 16H15 – relâches les 10,17,24 juillet
Mise en scène : Didier Caron
Une comédie cruelle et acide sur le couple, ce n’est certes pas la première fois mais il y a dans l‘écriture de Didier Caron une jubilation à trouver un point de départ très fort pour déclencher l’intrigue. Il y a une générosité d’écriture à servir ses trois protagonistes d’une égale importance en leur attribuant des caractères à tiroir qui surprennent le spectateur.
Sous la cruauté et la férocité, il y a beaucoup de tendresse qui se cache sous les traits de plume et le public se laisse surprendre aux rebondissements des événements qui se révèlent au fur et à mesure. Une comédie de bon aloi (très joli terme désuet) mais qui donne au Festival off d’Avignon une belle image d’un théâtre de divertissement de qualité.
Voir la paille dans l’œil du voisin et ne pas voir la poutre dans le sien pourrait être une bonne définition d’une bonne soirée à passer entre amis au théâtre. Alors prenez vos billets sans plus tarder.
ALICE GUY, MADEMOISELLE CINEMA – de Caroline Rainette
Théâtre Baretta – à 18H30 – relâches les 10,17,24 juillet
Mise en scène de Lennie Coindeaux et Caroline Rainette
Découvrir que le cinéma doit tout à une femme, pionnière dans le domaine rétablit l’histoire de cet art dans ce qu’il doit à la parité. Alice Guy, phénomène de curiosité, d’inventivité, de courage lutte farouchement pour son indépendance et sa reconnaissance dans un monde machiste. Sa production cinématographique et sa contribution essentiel au développement du film scénarisé est colossale. Effacée par le temps, on la sort à nouveau de l’ombre depuis quelques années, juste récompense d’un travail étonnant. Caroline Rainette et ses deux partenaires, Lennie Coindeaux et Jérémie Hamon nous font revivre cette épopée fougueuse des studios Gaumont, jusqu’au monde naissant d’Hollywood. Lennie Coindeaux et caroline rainette ont conçu ce spectacle comme un livre d’images animées sans jamais être didactiques (le montage vidéo est étonnant). On apprend l’évolution des techniques cinématographiques, on croise les frères Lumière, Georges Méliès, Gustave Eiffel. On palpite aux efforts, aux triomphes et aux revers de la jeune « fiancée » du cinéma. Un spectacle rythmé, riche, enlevé joué par deux acteurs caméléons et une comédienne aux multiples facettes.
Laissez vous « embobiner » !
KVETCH – de Steven Berkoff
Théâtre des Halles – à 21H30 – relâches les 13,20,27 juillet
Mise en scène de Robert Bouvier
Trouver sa liberté, s’affranchir de ses peurs, des convenances, du pré-supposé… tout simplement oser, c’est le nœud qu’il faut dénouer pour tous ces personnages enferrés dans leur contradiction. Et si on trouvait la force de parler vrai, de ne pas s’embarrasser du regard des autres, de prêter de sentiments aux autres dans son contexte professionnel, relationnel ou amoureux. L’auteur nous met face à nos audaces manquées, nos petits mensonges quotidiens, nos accommodements du « Ma foi tant pis ». On rit beaucoup à cette comédie acerbe, décapante sur nos lâchetés. Dans cette distribution tous jouent une partition précise et juste de ces anti-héros du quotidien à la recherche de leurs libertés, d’une émancipation salvatrice.
C’est un tourbillon de paroles souvent vénéneuses mais qui nous exorcisent de nos petits travers et on se prend à penser qu’après tout, nous nous compliquons bien la vie pour pas grand-chose. Nous avons tous le droit au bonheur et il est grand temps de laisser mourir ce tribunal intérieur qui nous pourrit si souvent la vie.
Disons les choses, laissons parler le cœur et le corps, au diable l’œil de Caïn !
Dans le jardin du théâtre des Halles, venez vous rafraîchir l’esprit en soirée. Un cocktail de bonne humeur vous attend.