Rétiaire(s)

Un polar noir, tendu, violent …
De
DOA
Gallimard
Parution en janvier 2023
430 pages, 19 €
Notre recommandation
4/5

Infos & réservation

Thème

  • Qu’est-ce qu’un rétiaire ? Un gladiateur qui combattait armé d’un filet, un trident ou un poignard.
    Quel rapport avec ce polar musclé ? Une lutte permanente entre clans. D’un côté les gitans et autres gangsters qui utilisent la drogue, le racket et toutes les formes de crime pour prospérer, de l’autre l’antigang, qui fait tout pour les arrêter, y compris en franchissant la ligne jaune et en nouant d’improbables amitiés avec ceux qu’ils combattent.
  • L’histoire n’est pas facile à résumer car elle n’est pas conventionnelle : il ne s’agit pas d’élucider un meurtre ou de retrouver les coupables d’un vol. Ce n’est pas un polar classique ni une enquête ordinaire. On suit les protagonistes des différents camps : les truands préparent un gros coup, la livraison d’une grosse quantité de drogue, et les policiers les filent pour essayer de comprendre et de les arrêter.
  • Mais l’essentiel de l’histoire n’est pas là, elle réside plutôt dans les relations qui se nouent et se distendent entre les membres de chaque camp, et qui fait tout l’intérêt du livre : une plongée hallucinante dans des univers parallèles que tout oppose mais qui se rejoignent inévitablement.

Points forts

  • L’histoire commence par une balle, logée par un flic dans la tête d’un truand et c’est parti pour 430 pages survitaminées et totalement addictives, avec des personnages à la fois tragiques et d’une infinie brutalité.
  • Si le fil rouge du récit est bien la drogue, comment elle parvient depuis l’Amérique du sud jusqu’au consommateur final, le récit s’attache principalement à la découverte des personnages singuliers qui peuplent le roman, surtout chez les truands, dans la communauté des gitans dans laquelle on plonge avec effroi et délectation.
  • Plus encore que dans ses précédents ouvrages, DOA prend toute liberté avec la langue, s’affranchissant de toute contrainte stylistique pour insuffler une sacrée  rasade d’adrénaline. Le langage est celui de la rue, des prisons et des commissariats glauques et décrépis, composé de dialogues hyper réalistes qui interpellent le lecteur.
  • On est dans une totale incapacité à deviner la suite du récit qui emprunte de multiples chemins de traverse : on se retrouve jeté dans l’arène d’un cirque antique où les coups les plus inattendus sont permis. On imagine que l’auteur a rassemblé une énorme documentation pour restituer cet univers sanglant et totalement impitoyable, trouble et ambivalent.
  • En explorant la complexité des rapports qui unissent ou séparent les personnages, c’est l’âme humaine qu’il met à nu dans une joute mortelle et impitoyable.

Quelques réserves

  • On se perd souvent dans la faune des nombreux personnages. L’index placé à la fin du livre est très vite indispensable … à condition de savoir qu’il existe, ce qui n’est pas évident !

Encore un mot...

  • Comme l’explique DOA, ce roman est né d’un projet de série – sur le modèle de The Wire – à laquelle l’auteur a travaillé pendant de nombreuses années avec le réalisateur et scénariste Michaël Souhaité. N’ayant pas réussi à trouver preneur chez les potentiels diffuseurs (quel dommage !), DOA a finalement décidé d’en faire un livre (quelle chance !)

Une phrase

On pourrait citer tout le bouquin :

« Souvent lorsqu’elle observe son reflet dans une glace, Lola cherche les traces de son père. De lui, elle a hérité ce visage aux mâchoires trop carrées, diront certains, avec des pointes et des angles saillants, et aussi cette ligne des yeux en retrait du front, quelque peu assombrie par ce surplomb. Des traits qui font se retourner les gens, intimident parfois, ne laissent jamais indifférent ».

L'auteur

  • DOA, de son vrai nom Hervé Albertazzi, est l’acronyme de Dead On Arrival (Mort à l’arrivée, film américain réalisé par Rudolph Maté en 1950). On sait peu de choses de celui qui se garde bien de se faire photographier mais livre des entretiens passionnants sur son œuvre ou la discrimination dont est victime le polar par rapport à la « Grande Littérature ».
  • Il s’est fait connaître dès la publication de son premier roman, Citoyens clandestins (Série Noire) en 2007. Puis vinrent Le serpent aux mille coupures, en 2009 et les deux volumes de Pukhtu (I en 2015 puis II en 2016)  qui constituent Le Cycle clandestin
  • Il écrit également des scénarios, comme pour la série télévisée Braquo.
  • En 2020, il est recruté parmi la Red Team, un groupe d' auteurs de science-fiction chargés de faire de la prospective pour le ministère des Armées, en imaginant « les futures crises géopolitiques et ruptures technologiques impliquant les militaires », afin de défendre la « souveraineté de la France ».

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