La France de l’à-peu-près

Un plaidoyer convaincant en faveur de l’excellence et de l’effort face à la médiocrité de l’à-peu-près qui règne en France depuis trop longtemps.
De
Nicolas Bouzou
L’Observatoire
Parution le 22 février 2023
160 pages
18 €
Notre recommandation
4/5

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Thème

Le modèle social français, très coûteux, n’est soutenable qu’à la condition de travailler plus et mieux, d’innover et d’investir davantage, et de débureaucratiser massivement afin de générer une croissance équilibrée et suffisante. La terminologie de l’à-peu-près est utilisée pour qualifier l’état d’esprit du pays qui irait dans la bonne direction, mais avec une intensité, une exécution et un rythme insuffisants. 

L’industrie, la défense, le réchauffement climatique, la dépense et la dette publique, la police, la justice, le marché du travail, l’immigration, le logement, la recherche et l’innovation, l’énergie et l’éducation sont passés au tamis d’une grille d’analyse à la fois simple et féconde. Les fausses solutions des populismes de droite et de gauche extrêmes sont démontées avant la conclusion du livre sur un plaidoyer en faveur de l’excellence.

Points forts

L’analyse et les solutions de Nicolas Bouzou relèvent du bon sens économique pour quiconque dispose d’une culture économique et internationale de base, une des qualités les moins partagées en France, pays de l’idéologie et du nombrilisme.

L’importance de la puissance technologique au service d’une industrie performante est soulignée à raison. Elle suppose une politique ambitieuse de recherche et d’innovation. La Chine et les Etats-Unis l’ont bien compris, la France pas assez.

La médiocre qualité de la dépense publique est pointée à juste titre. Elle réside davantage dans son contenu que dans ses excès, trop pour le présent des transferts sociaux, pas assez pour le régalien et l’investissement dans l’avenir. En outre les progrès, encore insuffisants, en matière de gestion du marché du travail, d’indemnisation du chômage, de taux d’activité, d’immigration choisie, sont bien mis en évidence. 

Par contre le désastre des politiques de l’énergie, de la santé et de l’éducation, longtemps des fleurons français, est décrit en détail de manière convaincante. A cet égard quelques constats inquiétants méritent d’être cités : le taux de disponibilité des centrales nucléaires passant de 83 à 73% en 15 ans ; l’enseignement des mathématiques où la France est une des dernières en Europe après avoir été longtemps parmi les premiers ; la bureaucratisation et le rationnement effrénés à l’hôpital public conduisant à la maltraitance des patients, à la démotivation des soignants et au retard coûteux dans les innovations. 

L’auteur fait preuve d’un optimisme mesuré pour l’avenir si la France sort des demi-mesures et fait le choix de l’excellence. A cet égard, quelques comparaisons internationales sont bienvenues, notamment sur les conséquences du choix du populisme. Ainsi l’Argentine, où le populisme a régné en maître pendant trois quarts de siècle, est passée en un siècle d’un des pays plus riches du monde à un revenu par tête égal à la moitié de celui des pays développés.

Le livre est bien écrit, synthétique et facile à comprendre par les non spécialistes.

Quelques réserves

Paradoxalement ce livre sans concessions pècherait plutôt par excès d’optimisme devant tant d’occasions perdues de réformer la France depuis trente ans et la montée des populismes. Les comparaisons internationales, déjà raisonnablement développées, auraient pu l’être davantage sur le taux d’activité, la durée annuelle moyenne du travail, l’âge de la retraite, le déficit commercial ou le déclin de l’industrie, systématiquement au désavantage de la France.

Quelques raisonnements macroéconomiques de base auraient pu être mieux expliqués. Par exemple, travailler plus signifie produire plus, avoir de meilleurs salaires, exporter plus et réduire le déficit commercial et des comptes publics (voir la remarquable chronique de Patrick Artus dans Le Monde du 19 et 20 février 2023). C’est ce qui devrait être à la base de la pédagogie sur la réforme des retraites et non le seul équilibre financier. Il est également dommage de ne pas mentionner qu’avec un taux de chômage à 7% de la population active, les entreprises n’arrivent pas à recruter. C’est le chiffre le plus parlant sur l’insuffisance de l’écart entre la rémunération du travail et l’indemnisation du chômage, soulignée, il est vrai par Nicolas Bouzou.

Encore un mot...

Le livre est excellent et débouche sur des recommandations pratiques. Il devrait être un des livres de chevet des décideurs politiques et des hauts fonctionnaires. Il pourrait également être utile aux élites intellectuelles françaises, aux enseignants et aux simples citoyens dont l’inculture économique est souvent abyssale.

Il donne des raisons d’espérer dans l’avenir de la France si elle fait collectivement le choix de l’excellence et de l’effort. Il est vrai que l’état du pays devrait encore bien pire s’il ne disposait pas d’atouts importants, après les quarante ans d’égarements économiques décrits par Jacques de Larosière, ancien Directeur Général du FMI et ancien Gouverneur de la Banque de France.

Toutefois, si sa jeunesse est l’avenir d’un pays, il y a lieu de s’inquiéter quand Nicolas Bouzou mentionne que trois quarts des 18/34 ans sont favorables au droit à la paresse ! On pourrait alors appliquer la très belle formule d’Antonio Gramsci : le pessimisme de la raison et l’optimisme de la volonté.

Une phrase

  • « Simplement, les réformes entreprises ne vont pas assez loin, délaissent certains détails, ne sont pas appliquées avec suffisamment de rigueur, ne combattent quasiment jamais la bureaucratie, qui étouffe les initiatives… » page 9
  • « Les Français attendent l’excellence sans s’en donner collectivement les moyens. » page 10
  • « Notre Etat-providence est parfaitement soutenable, à une condition absolument nécessaire : que chacun travaille, bien et beaucoup. » page 16
  • « Les soi-disant écologistes s’intéressent beaucoup moins au réchauffement climatique qu’à l’anticapitalisme. » page 25
  • « Travailler et investir : voilà les mots de l’excellence économique. » page 53
  • « Pour être clair, toute situation dans laquelle il est plus rémunérateur de ne pas travailler que de travailler est un non-sens économique et un scandale moral. » page 57
  • « Le déclassement de notre système de santé est la conséquence d’un déclassement intellectuel. On incrimine le libéralisme quand c’est le socialisme qui est en cause. » page 107

L'auteur

Nicolas Bouzou est à la fois économiste, enseignant, auteur à succès de livres de vulgarisation économique, une quinzaine à ce jour, chroniqueur dans divers media écrits et audiovisuels. Il a le talent d’exprimer de façon simple une pensée sophistiquée. Il est fréquemment la cible d’intellectuels dits de gauche qui le qualifient, soit de libéral, injure à leurs yeux, soit, sans fondement, d’agent stipendié par le pouvoir ou les grands intérêts économiques et financiers. C’est probablement la rançon de la haine de la part des zélateurs de l’économie vaudou. 

Retrouvez également sur Culture-Tops les chroniques des essais de Nicolas Bouzou

 

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