L'exil des monarques, entre abdications et reconquêtes du pouvoir
Parution en février 2024
240 pages
23€
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Thème
Sont ici évoqués la quinzaine de monarques ou de princes prétendants au trône de France qui ont été déchus, bannis, exilés, en majorité au XIXe siècle et, pour les derniers, au début du XXe. Seuls quelques-uns ont régné ; les autres auraient pu être monarques mais n'ont "régné" que pour leurs partisans et sont restés toute leur vie des prétendants. L'ouvrage présente ces exilés issus de trois dynasties différentes (et la plupart du temps en conflit) qui ont marqué l'histoire politique française : les Bourbons de la branche aînée, les Orléans branche cadette des Bourbons, ainsi que les Bonaparte, dynastie nouvelle née après la Révolution.
Chacun des personnages fait l'objet d'un chapitre d'une vingtaine de pages, résumant les causes politiques de son exil, ses revendications dynastiques, les conditions de sa vie hors de France, son combat pour se faire reconnaître non seulement de ses partisans mais aussi de sa famille lorsque les divergences pour ne pas dire les querelles, la divise... On ne peut ici que résumer rapidement les personnages évoqués : le premier est le Bourbon Louis XVIII (frère cadet de Louis XVI), "modèle d'un exilé qui refuse à tout prix d'abdiquer et s'est toujours considéré comme monarque légitime" jusqu'à ce qu'il monte sur le trône à la chute de Napoléon. Lequel Napoléon a été sa vie durant marqué par l'exil, puisqu'il en a connu au moins trois, l'Ile d'Elbe, de Sainte-Hélène, bien sûr, sans oublier qu'il a dû fuir la Corse dès sa jeunesse pour "s'exiler" en France.
Son fils, le jeune Napoléon II surnommé l'Aiglon, obligé de se réfugier dans sa famille autrichienne, a eu "un destin brisé". Sont ensuite évoqués le retour des Bourbons, Charles X et son fils "Louis XIX" (entre guillemets) qui se considèrent rois par droit de naissance mais ont finalement ruiné les espoirs de restauration. Quant aux Orléans, dynastie cadette, dont Louis-Philippe et son petit-fils le 1er comte de Paris, ils ont, de leur exil, tenté une réconciliation avec la branche aînée, sans succès. Pendant ce temps, les Bonaparte, la mère, les frères et sœurs, les descendants, connaissent aussi l'exil. Napoléon III surprenant personnage en sa jeunesse, connaît l'emprisonnement avant de devenir Empereur des Français en 1852 relevant ainsi le flambeau dynastique jusqu'à son échec à Sedan et son exil en Angleterre.
Après lui, une nouvelle période d'incertitudes en France aurait rendu possible une autre restauration, celle du comte de Chambord, petit-fils de Charles X, proclamé Henri V. Les derniers chapitres évoquent les Bonaparte, du Prince impérial, fils de Napoléon III aux princes Victor et Louis descendants de Jérôme. Puis avec les derniers Orléans et le second comte de Paris, c'est la fin de la prétendance. L'ouvrage démontre bien au final que le poids politique des prétendants n'est plus, au XXè siècle, ce qu'il fut au siècle précédent. La conclusion s'interroge sur la position du général de Gaulle par rapport notamment au dernier comte de Paris, Henri VI, mort en 1999.
Points forts
Composé d'une vingtaine de pages et d'un court texte final (10 à 12 lignes) résumant l'essentiel des propos de l'auteur, chaque chapitre se lit avec un vif intérêt, tant sont bien décrits à la fois la personnalité de chaque exilé ou prétendant, son environnement familial, les convictions qui l'anime, les choix qu'il est amené à faire ou à refuser, les actions des partisans royalistes et des adversaires, et le contexte historique et social.
Le chapitre qui m'a semblé le plus émouvant ? celui de l'Aiglon raconté par Laetitia de Witt, qui démontre combien ce jeune héritier a compté dans la politique européenne, malgré son éloignement en Autriche et sa mort prématurée.
Les plus attachants ? J'en citerai deux : celui du comte de Chambord, relaté par Hélène Becquet, homme de forte conviction mais tellement intransigeant sur le principe d'une monarchie traditionnelle (notamment pour imposer le drapeau blanc et non tricolore) qu'il fait échouer une possible restauration. Quant au chapitre consacré à Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III, par Juliette Glikman, il est fourni en détails savoureux sur la vie de cet "exalté" qui finira empereur...
L'un des plus complexes concerne Louis-Philippe (qui n'est plus roi des Français en 1848), le 1er comte de Paris et la recomposition de l'Orléanisme. L'auteur Grégoire Franconie a le mérite de tenter de relater clairement les nombreux rebondissements de cette période et ce n'est aisé !
Le plus instructif ? celui qui évoque une période plus proche de nous, dont on a entendu parler et qui concerne les trois Orléans, présentés par Bruno Goyet : le duc d'Orléans Philippe (1869-1926), le duc de Guise Jean, et Henri, second comte de Paris, notre contemporain (1908-1999). Les courants et partis politiques de la fin du XIX et du début du XX (légitimistes, carlistes, plébiscitaires, républicains, boulangistes, et autres dont l'Action française) sont très nombreux, et la situation des prétendants est encore compliquées par les querelles dynastiques avec les Bourbons d'Espagne.
L'appareil en fin de volume est fort utile : la généalogie, à laquelle on se reporte fréquemment, les notes et une courte bibliographie. Tout cela, plus l'introduction et la conclusion, montre que l'ouvrage a été conçu de manière soignée.
Quelques réserves
Certaines périodes sont complexes, agitées, pour ne pas dire embrouillées, et donc difficiles à saisir pour qui ne navigue pas à l'aise dans les méandres des retournements politiques du XIXè siècle...
La complexité est d'ailleurs accrue par le fait que ces "régnants" ou "prétendants" ont parfois vécu au même moment. La chronologie n'est donc pas l'unique fil conducteur des chapitres.
Le rôle des femmes aurait pu être un peu plus développé. Peu de choses sur les sœurs Bonaparte ou la reine Hortense, rien sur la reine Eugénie, seule la reine Amélie a droit à l'évocation de son importance. Et pourtant, elles ont connu, elles aussi, l'exil, du moins avant la loi de proscription de 1886 dans laquelle il est d'ailleurs bien précisé qu'elle ne concernait que "les chefs de famille ayant régné sur la France et leurs héritiers" qui sont bannis du territoire national. Cela laissait à leurs épouses le droit de circuler en France et de motiver les partisans... Quelques-unes ne s'en sont pas privé et leur rôle politique ne fut donc pas nul.
Encore un mot...
Que l'on approuve ou pas les monarchistes et leurs idées, on ne peut que s'enrichir à mieux les comprendre, grâce à cet ouvrage collectif de haute qualité.
Une phrase
- "Faire l'histoire des prétendants en exil, ce n'est pas seulement narrer leurs pérégrinations, c'est montrer qu'ils ont été un rouage essentiel de l'histoire politique de leur temps. Ils ont, à des degrés divers, entretenu l'idée monarchique en France par le maintien ou le renouvellement des traditions dont ils étaient les héritiers. L'exil, conçu pour bloquer leurs initiatives, a pu constituer un formidable levier politique, doit qu'il ait fourni un répertoire d'images en leur faveur, soit qu'il leur ait permis de se reconstituer une virginité. À rebours d'une tradition historiographique qui met plutôt l'accent sur la douleur de l'exil des princes, nous voudrions dans cet ouvrage insister sur leurs luttes et leurs espoirs de remonter un jour sur le trône" (avant-propos, p.10)
L'auteur
Hélène Becquet, ancienne élève de l'Ecole des Chartes, agrégée et docteure en histoire, enseignante en classes préparatoires aux grandes écoles, a consacré un ouvrage à Marie-Thérèse de France, l'orpheline du Temple et à Louis XVII parus aux éditions Perrin.
Les auteurs Grégoire Franconie, Juliette Glikman, Bruno Goyet, Vincent Haegele, Maxime Michelet, Pierre Morel, Maria Sofia Mormile, et Laetitia de Witt, sont tous d'éminents historiens ou spécialistes de la période qu'ils traitent. La plupart ont déjà publié plusieurs ouvrages d'Histoire relatifs au XIXè siècle. Les dernières pages de l'Exil des monarques, pp. 235 à 237, offrent une notice biographique présentant chacun d'eux.
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- L'Aiglon, le rêve brisé de Napoléon, de Laetitia de Witt.
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