Brasseur et les enfants du paradis
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Thème
Chez lui, au début des années 50, l’immense comédien Pierre Brasseur s’adonne à son violon d’Ingres, la peinture. Il fait le portrait d’une jeune et jolie jeune femme assez dénudée. Pendant une pause au milieu de la pose, Brasseur soliloque, se souvient de la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement de l’aventure du film « Les Enfants du paradis », réalisé par Marcel Carné.
Points forts
1) Il a dû l’entendre des centaines de fois : « Ce que vous ressemblez à Pierre Brasseur ! », « Qu’est-ce que vous me faites penser à votre grand-père ! »… Et c’est vrai qu’il ressemble beaucoup à Pierre, Alexandre, le fils de Claude, comédien comme lui, comme eux. Cette fois leur ressemblance lui est bien utile puisque Alexandre fait revivre sur scène ce grand-père qu’il a peu connu (il est mort lorsqu’il avait un an). Il le ressuscite, l’incarne et lui fait raconter son histoire. Voilà une étape unique dans la carrière d’Alexandre Brasseur, en tout cas un rôle pas comme les autres qui touche à l’intime, une aventure professionnelle et familiale très émouvante pour lui et pour le public.
2) C’est du théâtre intelligent, instructif, ouvert sur l’extérieur, sur l’Histoire, la grande, et sur la petite histoire du cinéma, sur les coulisses de la création d’un des plus grands films français. On apprend, on découvre, on sourit, on s’interroge, on est ému, on rit beaucoup aussi… C’est du théâtre, du très bon théâtre !
3) La Seconde Guerre mondiale n’est pas seulement la toile de fond épique et tumultueuse de ce récit. Elle est intimement tricotée à l’œuvre qui est en train de naître. Ainsi, alors qu’ils sont réunis dans une maison en Provence pour écrire et préparer le tournage de ces « Enfants du paradis », le réalisateur Marcel Carné, homosexuel, le décorateur Alexandre Trauner et le compositeur Joseph Kosma, juifs tous les deux, vivent dans la peur, tandis que Jacques Prévert le scénariste, convaincu de la suprématie des arts sur les armes, distille dans ses dialogues des appels à la liberté.
D’autres questions morales vont aussi se poser : est-ce collaborer ou du moins participer que de continuer à travailler alors que l’envahisseur réduit les autres au silence ? Le film aurait dû s’appeler « Les Funambules ». Tout à cette époque et particulièrement « Les Enfants du paradis » n’ont tenu qu’à un fil.
4) Paradoxe : Arletty, l’inoubliable interprète de Garance qui fait tant battre le cœur de Deburau, joué par Jean-Louis Barrault, eut une liaison interdite avec un officier allemand pendant l’Occupation. Ce qui eut pour elle de dramatiques conséquences à la Libération. On connaît ses mots restés fameux pour se défendre : « Si mon cœur est français, mon cul, lui, est international ! » et « Fallait pas les laisser entrer ! » Dans ce spectacle, on découvre que Pierre Brasseur eut, lui aussi, non pas une romance mais une petite aventure avec une ennemie. Anecdote savoureuse et fort bien troussée.
Quelques réserves
Pas sûr qu’il y ait des points faibles au paradis.
Encore un mot...
Brasseur (Alexandre) fait revivre Brasseur (Pierre), et lui fait raconter ses souvenirs des « Enfants du paradis ». Une interprétation touchante et légitime pour un spectacle particulièrement intéressant.
Une phrase
Pierre Brasseur : « En dépit de la farouche détermination et de la force de conviction de Carné, il était bien difficile à accoucher, ce film ! »
L'auteur
Comédien, auteur, metteur en scène, cinéaste, directeur de théâtre, Daniel Colas est un artiste multiple. Passionné par l’Histoire, il a écrit plusieurs pièces sur de grands personnages, qu’il a lui-même mises en scène : « Charlotte Corday » avec Coralie Audret, « Henri IV, le bien aimé » avec Jean-François Balmer, « Un certain Charles Spencer Chaplin » avec Maxime d’Aboville, et plus récemment « La Louve » avec Béatrice Agenin et Gaël Giraudeau, toujours à l’affiche du Théâtre La Bruyère.
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