Vêpres de la vierge bienheureuse
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Thème
- Quelque part dans Milan, un père dialogue avec son fils mort dont il porte l’urne funéraire. Il évoque son propre métier de cambrioleur minable, la vie de travesti du défunt, qui faisait le tapin, et son suicide, la mère qui traitant son enfant de « bâtard, cul terreux, sale porc », l’a renié, une sœur indignement liée à un Napolitain, toute une vie de médiocrité affective et de ratage.
- Progressivement, il en vient au fait : il s’agit d’expliquer au fils mort comment traverser le Styx dans les meilleures conditions, afin de trouver un refuge aux enfers. Et dans cette ultime recommandation d’un père à son fils éclate toute la lumière d’un amour qui n’a pas pu se dire et peut-être même pas s’éprouver dans la vie.
Points forts
- Bien sûr il y a la musique de cette langue défaite, qui se décompose puis rejaillit, drue, inventive et turbulente. Le monologue, qui tient du soliloque et/ou de la prière, fonctionne comme une spirale repassant par les mêmes sujets et les mêmes mots, et progressant peu à peu, se dépouillant de sa rudesse.
- Tout en intériorité, Paul Minthe incarne sans naturalisme un père pudique et touchant, véritable vaincu d’une existence dévastée.
Quelques réserves
Pourtant la petite voix fluette, précipitée et chuchotée de Paul Minthe échoue à embarquer le spectateur dans ces retrouvailles entre un père et son fils. On l’entend difficilement, on le comprend plus mal encore parfois, et l’espace étroit créé par cette sonorité hésitante vers laquelle le spectateur doit se pencher pour l’entendre, étouffe la profondeur du drame que sont ces retrouvailles posthumes et l’émotion qu’elles pourraient provoquer.
Encore un mot...
- Il y a loin de ce texte à L’Oratorio de Monteverdi, de l’univers cabossé, trivial et farcesque de Tarantino aux textes liturgiques et aux hymnes religieux polyphoniques et grandioses auxquels il emprunte les titres de ses œuvres.
- Ici, la vierge bienheureuse est ironiquement un prostitué travesti qui choisit d’en finir avec une vie de misère. Le deuil paternel est définitif dans un monde sans Dieu, un monde désenchanté dans lequel les morts ne trouvent le repos qu’en se présentant devant une commission de grecs inquisiteurs.
- Reste la voix qui dialogue avec ceux de l’au-delà et qui fait de ce spectacle, une prière, un hymne au sens propre, un chant lyrique à la gloire d’un disparu.
Une phrase
« Quand tu sens l’herbe grasse du fleuve...gaffe à pas glisser... tu y es. Laisse-toi l’aller dans l’eau... Ah, n’oublie pas, garde tes cothurnes aux pieds… »
« Toi pense à bien t’habiller, comme si t’allais tapiner. Ici ou ailleurs pour toi, c’est le même : nuit, nuit partout. »
L'auteur
- Disparu en mars 2020, Antonio Tarantino est considéré comme un des plus grands dramaturges italiens. Sculpteur et peintre, il n’a commencé à écrire pour le théâtre qu’à cinquante ans passés, puisant abondamment dans les œuvres liturgiques anciennes.
- En 1993, sa version du Stabat Mater, rencontre le succès. Vespro della beate vergine fait partie de la tétralogie Quattro atti profani, (avec Passion Secondo Giovanni qui a reçu le Prix Riccione en 1993, et Lustrini), dont chaque volet donne une voix aux exclus de la société : fous, délinquants, déviants, ratés et naufragés de la vie.
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