Premier amour
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Thème
• Un homme sans âge raconte comment, après la mort de son père et rejeté par les siens, il a été chassé de sa chambre et s’est retrouvé à la rue. Le narrateur se rappelle confusément les souvenirs de sa vingt-cinquième année : « Tout s’embrouille dans ma tête, cimetières et noces », bafouille-t-il, comme si le temps était aboli.
• Visiblement peu apte à toute vie sociale, laborieuse et affective, il rencontre sur un banc Lulu ou Loulou, devenue Anne. Il est hébergé dans son petit appartement, découvre ses activités de prostituée, puis fuit à la naissance d’un enfant.
Points forts
• Pas de musique, pas de décor, pas de gesticulation. Un homme seul, tout de sombre vêtu, à peine éclairé, est assis sur une chaise pivotante dont la vis fait le bruit d’un violon, et triture son chapeau. Jean-Quentin Chatelain, spécialiste du monologue, n’interprète pas le personnage : tel un musicien, il interprète le texte qui texte jaillit de lui, au rythme d’un phrasé inimitable et inoubliable. La voix qui tombe, non pas forcément en fin de phrase mais parfois au milieu, scandée par une sorte de souffle sifflant, est légèrement colorée par un accent suisse romand. Rugueuse, presque rocailleuse, elle est pourtant douce et donne le texte dans sa simplicité et sa nudité.
• Alors même qu’il n’a pas écrit ce texte pour le théâtre, Beckett manie une langue si puissamment théâtrale et créé une telle tension, que le spectateur est en état d’alerte permanente, victime ou bénéficiaire de l’« épuisement du sens » à l’œuvre dans ce texte, disait Sami Frey. Tout en ébranlant profondément les codes littéraires, Beckett redouble d’une attention scrupuleuse à la langue. Est-ce la nouveauté de ce premier contact littéraire avec une langue étrangère ? Chaque mot pèse son poids, chaque phrase ciselée semble surgir dans la fraîcheur d’un sens nouveau, d’une sonorité inédite, d’un cynisme et d’une drôlerie misanthropique et salubre.
Quelques réserves
Si on n’aime pas Beckett !
Encore un mot...
• Comment écrire ou peindre en 1945 après la Shoah, c’est-à-dire après l’horreur ? c’est la question que se posent tous les artistes après-guerre. Le théâtre de l’absurde, illustré par Beckett, Ionesco et Adamov, est la réponse théâtrale à cette question. L’amour qu’est-ce que cela ? Et la liberté donc, qui se paye du prix fort de la solitude et du dénuement.
• En décharnant la langue seul moyen de dire le décharnement des humains, en se tenant aux antipodes de tout bavardage psychologisant, en puisant dans les ressources de la dérision comme le dit Jean-Claude Grumberg, Beckett clame avec ce texte de haine - haine du bruit, haine de soi, haine des autres - que l’amour n’est pas possible.
Et pourtant la grâce est sur la scène, dans la salle et au bout de la pièce.
Une phrase
« C'est dans cette étable, pleine de bouses sèches et creuses qui s'affaissent avec un soupir quand j'y piquais le doigt, que pour la première fois de ma vie, je dirais volontiers la dernière si j'avais assez de morphine sous la main, j'eus à me défendre contre un sentiment qui s'arrogeait peu à peu, dans mon esprit glacé, l'affreux nom d'amour. »
« Je ne me sentais pas bien à côté d’elle, sauf que je me sentais libre de penser à autre chose qu’à elle, et c’était déjà énorme, aux vieilles choses éprouvées, l’une après l’autre, et ainsi de proche en proche à rien, comme par des marches descendant vers une eau profonde. Et je savais qu’en la quittant je perdrais cette liberté. »
L'auteur
• Longue nouvelle ou court roman, ce texte autobiographique est le premier que Samuel Beckett écrivit en langue française en 1945. Premier amour n’a été publié qu’en 1970 par les éditions de Minuit, Jérôme Lindon ayant obtenu l’autorisation de l’auteur fraîchement Nobélisé.
• Représentant de ce théâtre de l’absurde dissonant et dont les personnages n’ont pas d’identité, Beckett était célèbre pour En attendant Godot, Fin de Partie et Oh les beaux jours. Mais dès Premier amour l’essentiel du théâtre de l’absurde était déjà là.
• Le texte a été créé pour la scène en 1999 par Jean-Quentin Châtelain, sous la direction de Jean-Michel Meyer, et repris tel quel aujourd’hui.
Commentaires
Personnellement j’ai franchement détesté et passé une de mes plus mauvaises soirées au “spectacle” !
Interminable monologue aux dialogues oscillant entre des descriptions plates, des élans surréalistes et quelques saillies scatologiques, le tout agrémenté par les gloussements réguliers dune partie du public manifestement sous le charme et ravi de l’humour très spécial de l’auteur ...
Très gêné aussi par la voix “caverneuse et cassée” (j’ai d’autres références médicales qui me viennent à l’esprit..) du comédien, qui réalise en revanche une superbe et méritoire prestation.
J’avais adoré En attendant Godot mais la franchement, quel clystère!!
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