Les soliloques du pauvre
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Thème
C’est un cri, un appel au secours, un texte bourré de fautes de syntaxe, une plainte brûlante, une colère farouche, une véhémence punk avant l’heure, qui prend la société à témoin de son infortune. Un homme, seul en scène, raconte son choix de la misère et de la fraternité, de la rue et de la précarité.
Le verbe haut et gouailleur, il attaque une société sans pitié pour les « petites gens », les laissés pour compte.
Points forts
Jehan-Rictus écrit dans une de ses lettres : « voyons, vous qui venez du peuple : lâchez-moi la langue et quittez les brassards, cuissardes, jambières et autres harnais. Autrefois, il n’y avait aucun divorce entre la langue populaire et la langue poétique ».
C’est une même et unique langue pleine de fulgurances, de rage et de douleur, mais c’est une langue qui émerveille et fait vibrer avec un mot, une image, une métaphore.
On peut aimer Emile Zola et être sensible à « l’Assommoir », « le premier roman sur le peuple », comme le dira son auteur, mais « les soliloques du pauvre » ramènent l’auteur des Rougon-Macquart à sa réalité d’écrivain bourgeois.
Pour partager la douleur des délaissés, c’est leur mots qu’il faut entendre, dans leur nudité brutale et sans concession qui en exprime toute la souffrance. Pour ressentir cette destinée du déclassé qui ne connait même pas le luxe de l’espoir mais vit l’expérience de la souffrance, c’est la voix de Jehan-Rictus qu’il faut écouter.
« J’aime cette écriture explosive qui va à l’encontre de la mode et de la pensée majoritaire, qui résiste à l’ordre établi avec une efficacité sans doute dérisoire face au pouvoir » déclare le metteur en scène, Michel Bruzat. Manié par le formidable acteur qu’est Pierre-Yves Le Louarn, le texte devient un bâton de dynamite lancé à la gueule du spectateur.
Alternant colères assassines à la brutalité tour à tour froide ou brûlante et confessions intimes, parfois complices, le comédien seul en scène porte physiquement ce Verbe avec une générosité, une authenticité qui nous émeuvent et nous convainquent du début à la fin.
Quelques réserves
Il n’y a point de faiblesse dans cette histoire. Il n’y a qu’un homme qui se bat et refuse d’abdiquer.
Encore un mot...
C’est sombre mais c’est brillant, c’est douloureux mais ça fait du bien, c’est âpre mais c’est une caresse aussi par moments. Il y a de la tendresse pour la vie malgré sa dureté, une lumière qui émane de la pièce et révèle avec obstination ceux qui sont invisibles.
Une phrase
"Bon, v’là l’Printemps ! Ah ! salop’rie,
V’là l’monde enquier qu’est aux z’abois
Et v’là t’y pas c’te putain d’Vie
Qu’a se r’nouvelle encore eun’fois !
La Natur’ s’achète eun’ jeunesse,
A s’ déguise en vert et en bleu,
A fait sa poire et sa princesse,
A m’fait tarter, moi, qui m’fais vieux".
L'auteur
Gabriel Randon naît en 1867 à Boulogne-sur-Mer. Son père quitte la maison, sa mère le maltraite. Très vite il fait le choix de la rue et choisit une vie d’errance : c’est sur cette expérience que se fondera sa poésie. Il vit la rue, la faim, le froid, la solitude, et cherche une forme nouvelle pour raconter.
Ainsi naissent les soliloques du pauvre en 1896, dans un français que tout le monde peut comprendre. Il devient alors JeHan-Rictus (anagramme de Jésus Christ), avec un trait d’union car ce n’est plus un nom propre, presque une devise. Il rencontre le succès et publie livres et poèmes jusqu’en 1914.
Puis c’est le silence, il ne publie plus rien jusqu’à sa mort en 1933 et semble même tourner le dos à ses idées anarchistes pour devenir favorable au rétablissement de la monarchie.
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