La folle et inconvenante histoire des femmes
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Thème
• Une jeune fille monologue devant le cercueil de sa chère « mamie », historienne de profession et confidente de sa petite-fille, mais pas au point où cette dernière a osé lui révéler sa lesbianité.
• Partant de cet empêchement, le spectacle remonte le temps et déroule une histoire marquée par la domination et l’oppression des femmes, dont la question saphique est un bon révélateur.
• À chaque époque, la situation des femmes, une fois contextualisée, est traitée avec humour (n’est-ce pas « la politesse du désespoir » ?), empathie et exubérance, et n’exclut pas des écarts de langage, qui font mouche la plupart du temps.
Points forts
• Ce one woman show repose sur Diane Prost, qui convainc à endosser le rôle de femmes à différentes époques. L’expressivité, la sensibilité et la mobilité de cette comédienne sont tout à fait remarquables, et aucune scène ne semble assez grande pour elle. Dans ses remerciements, la comédienne rappelle son impatience à remonter sur scène, une fois la parenthèse du confinement (provisoirement ?) refermée. Au vu de l’énergie qu’elle déploie, on la croit sur parole.
• Par ailleurs, avec des moyens assez modestes - un déshabillé et une serviette éponge - les conceptrices du spectacle réussissent à nous plonger dans des époques variées, ce qui n’est pas rien.
• Ce spectacle, relativement bref (1h10), échappe largement aux écueils qui se présentaient à lui : des tableaux historiques successifs factuellement exacts mais souvent indigestes, ou la geste militante virulente et par trop simplificatrice.
Quelques réserves
• On s’amuse des formules anachroniques (sur la découverte du clitoris par un certain Colombo, homonyme du célèbre inspecteur) ou purement inventées (ainsi ce dialogue entre moniales dans un couvent médiéval : « Pas besoin d’hommes, ma sœur, on a des cierges...»), mais est-il pertinent d’évoquer les femmes sous la Révolution française en projetant La Liberté guidant le Peuple, qui célèbre celle de 1830 ?
• La pièce fait avec les moyens du bord certes, mais le graphisme projeté sur l’écran en arrière-plan laisse tout de même à désirer...
• L’engagement assumé de cette Folle histoire l’expose à quelques réfutations, au moins sur deux points. Évoquer des « travailleuses du sexe » et non des prostituées sonne curieusement ; si tel est bien le cas, les proxénètes deviennent ipso facto des chefs d’entreprise, ce qui leur évite les foudres de la justice. Cette approche trahit une conception libérale très anglo-saxonne, visant à considérer que le corps (ici, celui des femmes), marchandise comme une autre, peut donner lieu à des transactions... Ce qualificatif fait l’impasse sur les effets de discours, et notamment la question des fonctions réparatrices d’un terme, qui, revendiqué par les prostitué-e-s (le plus souvent dans le cadre de leur activité, et beaucoup moins après), donne une assise et une légitimité indispensables pour « tenir » psychologiquement dans le commerce fait d’un corps forcé. Autre exemple, où l’on frôle la contradiction ouverte : après avoir (assez justement) noté que le voile porté par les femmes au Moyen-âge « marque l’autorité [patriarcale] dont elles dépendent », voilà qu’en plein XXe siècle, peu importe désormais que femmes et féministes portent ou non le voile. Ce dernier est à présent débarrassé de toute connotation impliquant la domination masculine... mais est-ce si sûr que cela au regard des sociétés dans lequel l’usage persiste?
Encore un mot...
Une Folle histoire qui tourne le dos à Rousseau, pour qui « La femme observe et l’homme raisonne », et se réclame de la sentence selon laquelle « ce n’est pas parce que l’on ne parle pas des choses qu’elles n’existent pas ».
Une phrase
Réplique prêtée au législateur athénien Solon (milieu du VIe siècle avant J.-C.) à sa femme Cornelia : « Avec du lait, tu fais quoi ? Un gâteau. Tandis que moi, avec mon sperme, je fais un homme ! »
Et 26 siècles plus tard : « C’est vraiment le siècle des femmes, le XXe siècle... en même temps, XX, il y avait déjà un truc ! »
L'auteur
Laura Léoni, chroniqueuse occasionnelle au service culturel de L’Humanité, est surtout comédienne et dramaturge. Ses premiers textes pour le théâtre - Tenir debout (2013), Au milieu des hommes (2014) puis Anatomie d’une absence (2015) - ont été suivis par La folle et inconvenante histoire des femmes, qui s’est donnée à Paris depuis mars 2020 au Funambule théâtre.
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