HUGUES JOURDAIN: Dans ma chambre
Abordant de manière aussi crue que réaliste et profonde le thème de l'homosexualité dans notre société, ce one man show peut choquer. Mais il est exceptionnel par son intelligence, sa vérité et par l'interprétation d'Hugues Jourdain.
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Thème
Tout dire. Tout montrer. Ne rien cacher. Tel était le crédo de Guillaume Dustan, énarque et haut fonctionnaire le jour, homosexuel multipliant les conquêtes et la prise de drogues la nuit.
Dès 1996, à 24 ans, Guillaume Dustan découvre sa séropositivité. Il publie « Dans ma chambre », description fidèle et brutale de sa vie. Il y raconte sa fuite en avant, persuadé qu'il va mourir et ne vieillira jamais. La pièce est une introspection, une chronique des années de baise dans ce milieu gay parisien où le corps devient l'épicentre de son univers.
Points forts
- Guillaume Dustan décrit, il ne démontre pas, ne dénonce pas, ne se justifie pas.
- Son discours est militant bien sûr, engagé évidemment, mais il ne cherche pas à choquer ni à provoquer. C'est sa force. Il s'expose, avec les mots justes, parfaitement choisis. Pour certains, il est l'un des meilleurs écrivains de sa génération : la force de ses mots illumine la pièce.
- Nul besoin de se replonger dans le contexte de l'époque – le sida frappe et les homosexuels sont les premières victimes – pour comprendre cette urgence et être touché par la grâce de ce texte tranchant qui découpe le quotidien de l'auteur en fines tranches de vie.
- Hugues Jourdain a adapté le roman et l'interprète comme si c'était sa vie, se fondant dans le texte avec la modestie d'un artisan. Sa mise en scène et son jeu, au début de la pièce, sont neutres pour nous permettre de nous glisser avec lui dans la vie de son personnage. Il se fait conteur, passeur avant de le nourrir de son propre vécu et laisser deviner une réelle intimité avec l'auteur. Puis l'accompagnent la musique, le corps qui se dénude, le bruit, la fureur de vivre, parfaitement maîtrisés.
Quelques réserves
- Le texte n'est pas pornographique ni ostensiblement provocateur. Néanmoins il est cru et n'occulte rien d'une réalité parfois brutale et destructrice.
Encore un mot...
Reçoit-on différemment un texte militant comme celui-ci lorsqu'on est homo ou hétéro ? Dans la salle, des couples homos, hommes ou femmes, des couples hétéros, des personnes seules. Tous réceptifs, concentrés sur le texte et le jeu de l'acteur, tous conquis par l'intensité des mots, du récit, tous séduits par la performance artistique ...
Une phrase
« Je vis dans un monde merveilleux où tout le monde a couché avec tout le monde. La carte s'en trouve dans les revues communautaires, que je lis assidument. Bars, boîtes, restaurants, saunas, minitel, réseaux, lieux de drague et tous les prénoms et les numéros de téléphone et les adresses qui vont avec. Dans ce monde, chacun a baisé avec au moins 500 mecs, en bonne partie les mêmes, d'ailleurs ».
L'auteur
Guillaume Dustan, de son vrai nom Antoine Baranès, suit la parcours classique Sciences-Po – ENA avant de devenir magistrat. Il plaque tout lorsqu'il découvre sa séropositivité et écrit son premier roman, « Dans ma chambre ». Deux autres livres autobiographiques suivront, « Je soirs ce soir » et « Plus fort que moi », dans lesquels il se dévoile encore davantage.
Il reçoit le prix de Flore en 1999 et crée une collection littéraire gay et lesbienne, aux éditions Balland : le Rayon gay.
Il publie son sixième et dernier roman en 2004 et meurt un an plus tard, d'une intoxication médicamenteuse involontaire. Il avait 39 ans.
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