Holy Shit !
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Thème
Sarah ne sait pas bien par quoi commencer son récit. Car la question est bien « comment on parle de ça ? » : d’une trajectoire de douleur, depuis l’inceste initial subi à l’âge de 7 ans, en passant par l’anesthésie qui suit, jusqu’à ce que les gardes fous pètent « comme des bouchons de Champagne » et puis non pas véritablement la guérison, mais une plénitude retrouvée, du retour dans son corps.
Il s’agit, dit-elle, de « rendre à l’enfant moi sa mémoire », en contant et en commentant l’histoire d’une petite fille victime précoce d’abus sexuels, et qui porte en elle des décennies durant le poids de la culpabilité.
- En effet, la barque est chargée : la mère, les déménagements successifs, la cousine elle aussi victime, la révélation mais la solitude malgré cela, et le chien Zouzou qui lui aussi l’évite, l’école Steiner, les relations amoureuses qui ont pour fonction de rassurer l’enfant brisée, le refus de la sexualité, le mariage sans désir. Les tentatives multiples et vaines pour guérir : la permaculture qui transforme la merde en or, le développement personnel, la force qui permet d’affirmer « même pas mal » et l’effondrement parce que « mal trop mal. »
Points forts
L’éclairage est au cœur de ce dispositif théâtral : avec la musique, il créé des poches d’ombres secrètes, des cirques lumineux qui permettent à la parole intime de se lover et de se déployer tout à la fois.
Le texte ciselé, net et limpide, brutal et frais à la fois est comme ponctué par le maniement des petits objets que la comédienne extirpe des replis de son vêtement, et qui évoquent avec poésie et subtilité les personnages de l’histoire.
Quelques réserves
- Difficile de formuler des réserves. Peut-être pourrait-on dire que les choix musicaux ne sont pas d’une folle originalité, mais ils marquent aussi sans doute les étapes d’une vie.
Encore un mot...
Holy shit ! est une œuvre utile, et pas seulement pour les victimes d’inceste ou de violences sexuelles. Parce qu’il est vrai que, malgré la multiplication des livres et des films sur le sujet, dès qu’il s’agit de parler des violences sexuelles dont les enfants sont des victimes, l’embarras continue souvent de régner, le silence de peser ou, à l’inverse, l’hystérie médiatique brouille les pistes. Notamment sur la question de l’orgasme, évoqué pour la quasi-première fois dans un témoignage de victime, cet orgasme irrépressible et inoubliable qui creuse le gouffre de la culpabilité et de la honte.
Ce “déshabillage“ drôle, poignant, ironique et cru refuse de réduire l’individu au rôle de victime. Il n’est pas seulement courageux, il est beau et salubre, parce qu’il n’épargne aucune des prétendues recettes permettant la guérison, mais aussi parce qu’il dit que ces histoires-là ne sont pas seulement l’affaire des individus mais celles du “monde extérieur“, c’est-à-dire de tous.
Une phrase
« Les emmerdes c’est nourrissant. »
« J’ai 12 ans et mes seins poussent : je leur dis d’aller pousser ailleurs, ça ne marche pas. »
- « J’ai tout essayé pour guérir, tout ce qui croisait ma route, avec une seule obsession : réparer ce qui avait été cassé, nettoyé ce qui avait été sali, échapper à ce vide-là. Ce qui est drôle c’est que j’ai toujours su que j’étais brisée, en miettes. Mais je ne sentais rien. J’ai toujours su dire : « tu sais, moi avec ce qui m’est arrivé, c’est comme si j’étais dissociée, ouais je suis pas là, absente, perdue dans le néant, occupée à retrouver les morceaux de moi et à mettre la main sur la meilleure colle. Ouais, j’ai essayé plein de colles, mais plein ! »
L'auteur
Autrice, metteuse en scène, chanteuse et comédienne, enseignante de théâtre, Sarah Marcuse s’est formée aux arts du cirque et au théâtre contemporain et cela se voit sur scène.
- Elle écrit des pièces et des chansons (Holy Shit ! ; La graine, la fleur et l’oranger ; Lul, une histoire d'amour ; L'invisible chemin ; Maybe), adapte des textes pour la scène, conçoit des projets pluridisciplinaires et pratique le Seule en scène.
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