De la morue (conférence décalée n°6)
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Thème
Seul en scène, aidé d’un diaporama projeté sur écran, Frédéric Ferrer aborde cette conférence de Cartographie selon un plan en sept parties, dont la rigueur n’a d’égale que les intitulés plus ou moins austères : exposition / problématique / hypothèses / conclusion intermédiaire / un moment particulier / déploiement inattendu du sujet / fin bizarre...
Le comédien s’emploie à démontrer en quoi la disparition des bancs de morue en Terre-Neuve, constatée par un marin des environs - le peu loquace Karl Beaupertuis - participe d’un écocide au retentissement considérable, mettant en cause aussi bien les catholiques que les Indiens Micmacs, Jules Michelet ou même Brigitte Bardot !
En effet, des enjeux planétaires s’expriment au travers de l’épineuse question de la morue…
Points forts
La démarche adoptée par Fr. Ferrer est des plus réjouissantes :
sa conférence évolue avec un égal bonheur et une grande maestria entre culture, sciences (exactes ou humaines) et fantaisie ;
le comédien savant déploie une réelle virtuosité non seulement à multiplier les digressions inattendues, mais aussi et surtout à retomber sur ses pieds, c’est-à-dire retrouver la morue là où on ne l’attendait plus du tout (par exemple dans… la braguette du roi Henri VIII d’Angleterre !).
De fait, en abordant de la manière la plus serrée possible la morue en Terre-neuve, il administre la preuve que la question convoque aussi bien le libéralisme, le capitalisme et la puissance nord-américaine que les Lettres (Alexandre Dumas), l’histoire (Jules Michelet, la reine Margot), la religion catholique, ou encore Brigitte Bardot, par le truchement de son combat pour les bébés phoques...
On ne vous “divulgâchera“ pas la démarche conduisant Fr. Ferrer à conclure doctement que, pour rétablir la morue dans ses droits en Terre-Neuve, il faut… manger des pénis de phoque !
Frédéric Ferrer anime remarquablement sa présentation, qui n’a rien de statique, car le comédien joue parfaitement de son corps pour appuyer ses démonstrations échevelées.
Quelques réserves
Il s’agit ici moins d’une réserve que d’une ou deux remarques :
la démarche souvent désopilante qui accompagne l’évocation de cet écocide fait-elle suffisamment prendre conscience au public des menaces qui s’accumulent sur notre environnement ?
en quoi dédramatiser le tragique, ici une réalité accablante, aide-t-il réellement à modifier les comportements ?
Encore un mot...
- Frédéric Ferrer a fait sien le célèbre adage de Pilote, le journal qui « s’amuse à réfléchir. »
Une phrase
Un puissant aphorisme de Karl Beaupertuis, qui sert de base à l’évocation De la morue :
« La morue, quand elle part, tu sais pas quand elle revient… »Quelques conclusions délivrées lors de cette conférence :
- « Le faux se loge dans le vrai. »
« Pour ne pas pécher, il faut pêcher. »
L'auteur
• Frédéric Ferrer, d’abord géographe, est depuis 1994 metteur en scène, comédien et fondateur de la compagnie Vertical Détour (en 2001). Il a élaboré quatre cycles de créations, dont un cycle de vraies-fausses conférences de Cartographie, entamé en 2010.
• Au sein de ce cycle, De la morue (2017) constitue le sixième volet de son Atlas de l’anthropocène. Culture-tops, qui s’est déjà penché sur Le problème lapin, s’apprête à suivre l’auteur A la recherche des canards perdus …
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