Réenchanter l'eau. Plaidoyer anthropologique

Voyage parmi les peuples qui célèbrent l'eau, notre mère à tous !
De
Claudine Brelet
Errance et Picard - Actes Sud
Parution en juin 2024,
220 pages
19.50€
Notre recommandation
3/5

Infos & réservation

Thème

Le sous-titre "Plaidoyer anthropologique" éclaire le sujet : l'auteure entend raconter la relation entretenue avec l'eau par les peuples autochtones, dans les cultures préindustrielles.  Ceux-ci sont, comme on le sait, en danger. S'ils demeurent quelque 476 millions de personnes (en 2023), ils dépendent directement des ressources de l'environnement naturel : "Présents dans 90 pays, ils protègent aujourd'hui 80% de la biodiversité subsistant sur notre planète, mais font partie des 15% des populations les plus pauvres" (842.000 personnes  meurent chaque année à cause de l'insalubrité de leur eau...). Au fil des chapitres seront donc présentés les mythes, rites et traditions, croyances des Aborigènes d'Australie, des peuples africains (Mali, Cameroun, Congo, Nigeria, notamment). Avec un rappel des innovations techniques hydrauliques de l'ancienne Mésopotamie et la philosophie toujours vivace des Celtes.            Et puisqu'il s'agit d'un plaidoyer, le dernier chapitre invite à repenser les projets autour de l'eau, ce bien essentiel commun à l'humanité entière (y compris au vivant non humain). 

Points forts

Il n'est certes pas inutile de rappeler que l'eau nous fait vivre... "L'eau n'est pas un bien comme les autres".  Sans être alarmiste, l'auteure plaide pour une gestion de l'eau qui ne devienne pas une arme géopolitique redoutable, espérant que les générations à venir feront preuve de moins d'hybris technoscientifique. L'auteure a choisi une approche holistique. Elle n'a pas seulement d'immenses connaissances en histoire culturelle des traditions animistes, ainsi qu'en archéologie et en histoire (tout court), elle dispose aussi de nombreuses informations récentes, contemporaines, en particulier sur les progrès juridiques qui constituent des outils pour défendre devant la justice les droits et les intérêts des peuples dépendant des fleuves, des rivières, des montagnes, reconnues comme "entités vivantes".  Rappelant les textes internationaux, elle cite en exemple plusieurs décrets qui assurent "le droit à l'eau", partout dans le monde. 

On apprécie que ce plaidoyer, bien qu'il s'agisse évidemment d'un sujet touchant à un bien naturel, ne devienne pas une plaidoirie pour l'écologie actuelle dans ses dérives trop souvent politisées. 

On apprécie également le portrait d'Alexander von Humboldt (1769-1859), le père de l'écologie, dont l'oeuvre et l'esprit humaniste et encyclopédique, avait déjà souligné la nécessité d'observer, sans les séparer, les sociétés humaines en même temps que les sciences naturelles, les relations entre le climat, le sol, la végétation, la faune...

Quelques réserves

Le premier chapitre sur "les premiers pas au fil de l'eau", c'est-à-dire l'évolution de l'espèce humaine, peut paraître un peu long (25 pages). Certes l'hominisation fut une longue marche, mais ce rappel des conditions de vie préhistorique d'il y a plusieurs millions d'années n'apprend pas grand chose de nouveau. 

Encore un mot...

L'ouvrage pourrait se résumer ainsi : "Un voyage pour visiter les célébrations qui entretiennent des alliances affectives avec l'élément eau comme avec une autre personne". 

Une phrase

  • "Réenchanter l'eau est urgent. Crucial. Sans elle, toute vie est impossible sur notre petite planète bleue que nous devrions nommer "la planète eau"... L'eau constitue 97.2% du volume de celle que nous appelons "la terre" mais les eaux douces dont notre survie dépend ne représentent que 2.8%  de son volume global. Si l'on tient compte des glaces et des neiges permanentes, le volume de l'eau douce disponible ne s'élève qu'à 0.7%... "( p. 21) 

  • "A propos de l'hydrologie : "Cette science encore très jeune a commencé par réunir plusieurs sciences de la Terre et du Vivant, elle s'intéresse maintenant à la dimension culturelle de l'eau, à son histoire sociale. Les hydrologues acceptent désormais que les connaissances transmises par les populations locales au fil des générations fournissent de précieuses informations sur les impacts à long terme d'événements naturels et permettent ainsi d'éviter certains risques." (p. 22) 

  • "A la poursuite de "l'eau-dyssée" humaine depuis l'époque où nos lointains ancêtres ont peuplé la Terre, cet ouvrage offre un jeu de clés destinées à ouvrir quelques portes sur la "créactivité" issue du lien affectif noué par l'espèce humaine avec l'eau." (p. 186) 

L'auteur

Claudine Brelet, anthropologue HDR (habilitation à diriger des recherches), a suivi sa formation à l'Institut d'ethnologie du musée de l'Homme, avec l'anthropologue André Leroi-Gourhan. Elle  s'est particulièrement consacrée aux questions de santé et d'environnement dès les années 1970, à l'OMS puis à l'Unesco, en défendant la diversité culturelle et la sagesse de peuples-racines. L'Unesco lui avait demandé de trouver le moyen d'intégrer la diversité culturelle à l'hydrologie. On lui doit, dès 1975, l'ouvrage Les médecines sacrées (éd. Retz). Son livre majeur, développant les médecines africaines, chamanes, égyptiennes, hébraïques, druidiques, arabes, indiennes et tibétaines, amérindiennes... préfacé par le Dr André Prost, reste un référence sous le titre Médecines du monde, histoire et pratique des médecines traditionnelles (éd. Bouquins-Robert Laffont, 2002). 

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