La Mémoire courte
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Thème
Ce livre, écrit par l’un des premiers résistants, est publié en 1953, dans cet immédiat après-guerre, alors que le monde tremble déjà dans une atmosphère sinistre de guerre froide, ou deux blocs s’opposent. Les Etats-Unis luttent contre le Communisme, tandis que l’on sait déjà les horreurs engendrées par le régime stalinien. En France, il est question d’amnistier certains collaborateurs. A ce moment crucial, l’auteur s’interroge, avec gravité et douleur, sur ce que fut, pour chacun de ceux qui l’ont vécue au péril de leur vie, « La Résistance ».
Points forts
1 – Ce livre commence comme une sorte de cri, bouleversé et vengeur, face à ceux qui ont oublié les morts et sacrifiés dans ce combat sombre et souvent solitaire que fut la Résistance. Le titre est emprunté à une réflexion du Maréchal Pétain sur les français qui auraient « la mémoire courte. ». C’est si facile d’oublier pour ceux qui n’ont rien fait, ou alors si peu ; alors que cela semble impossible pour ceux qui souffrirent dans leur chair et dans leur sang.
2- Il nous livre une analyse percutante de ce qu’avait été la guerre d’Espagne, pour lui alors tenté par les valeurs du communisme et raconte comment il avait été séduit par l’orgueil des espagnols face aux français qui, selon lui, semblaient l’avoir perdu.
3 – Il lui est particulièrement pénible de constater que le véritable procès n’a jamais eu lieu ; il s’insurge de voir des collaborateurs notoires rentrer paisiblement dans le rang. Il faut dire que restructurer un pays exsangue après plus de quatre années d’occupation, n’est guère facile. Il faut retrouver des hauts fonctionnaires, de réelles compétences et parfois se voir contraint de reprendre les mêmes.
4 – La pudeur et la modestie face à sa propre action, ses recherches, ses frayeurs, les moments privilégiés passés avec des camarades engagés comme lui, sont des moments particulièrement touchants. Il est conscient que chacun a vécu ses terreurs, ses désespérances, ses souffrances de manière strictement individuelle.
5 – Lui, si en colère contre les français, s’émeut pourtant face à des réactions beaucoup plus patriotes qu’il ne pouvait les espérer chez des inconnus qu’il salue au passage. Ce regard provisoirement apaisé est réconfortant. Le pays dans sa globalité était contre l’envahisseur, mais ce dernier était puissant et sans pitié.
6 – A aucun moment, Jean Cassou n’est dupe de lui-même. Il pousse son cri, hurle sa révolte, contre l’oubli d’un pays qui se désintéresse de ceux qui ont laissé leur vie, pour tenter de le sauver. Il sait pourtant qu’il n’était pas possible à une population d’entrer toute entière en résistance. Et même, s’il réunit dans une même amitié les FFI (Forces françaises de l’intérieur), d’inspiration Gaulliste, conduites par le Général Koenig), et les FTP ( Francs-Tireurs Partisans) issus de la mouvance communiste, entrés en action après la fin du Pacte germano-soviétique, il reconnaît aussi les errances des systèmes auxquels il a cru. Il fait revivre, dans une pureté douloureuse, des instants partagés dans un même combat. Même s’il regrette que la grande révolution promise n’ait pas eu lieu après la guerre, dans les espoirs lancés par le Conseil National de la Résistance, il pose avec une grande clairvoyance la question de l’avenir européen.
Quelques réserves
Je n'en vois pas.
Encore un mot...
Il est manifeste, quand on observe les faits avec attention, que le paradoxe français -cette difficulté permanente à diriger la France, en oscillation constante entre un Etat providence, nourri par un parti communiste omnipuissant après la guerre, et un libéralisme, venu d’outre atlantique- est le véritable héritier de l’immédiat après-guerre.
Tout s’est joué, effectivement, là. La douleur et le cri de Jean Cassou apportent son éclairage sur cette période tumultueuse dont nous avons hérité et nous aident à mieux comprendre les enjeux contemporains qui en sont les fruits.
Une phrase
« Le grand poète Milosz avait coutume de dire : « L’Angleterre, c’est les Anglais ; l’Allemagne, c’est les Allemands ; la Suède, c’est les Suédois ; l’Australie, c’est les Australiens. La France, ce n’est pas les Français, c’est autre chose, et qui est si beau ! »
En effet, on ne sait pas très bien ce que sont les Français, ils ne le savent pas eux-mêmes ; on ne comprend pas très bien ce qu’ils font, le défaisant après l’avoir fait, ce que l’on voit de plus clair, c’est qu’ils assurent cette fameuse, cette triste continuité… Et puis, tout à coup, en se déchirant eux-mêmes jusqu’au sang, ils conçoivent une pensée et accomplissent un acte qui transforme le monde en l’éblouissant. »
L'auteur
Jean Cassou (1896-1986), est né en Espagne. Orphelin de père à 16 ans, il prépare sa licence d’espagnol à Paris. Puis dès les années 1920, il tient une chronique au « Mercure de France ». Son premier roman paraît en 1923 et dès 1936, il dirige la revue « Europe ». Résistant dès juillet 1940, il est à la tête du groupe de résistants du musée de l’Homme. Arrêté le 3 décembre 1940, il est transféré à la prison de Toulouse entre décembre 1941 et février 1942, où il verra tomber des camarades et écrira, dans sa tête, de nombreux poèmes.
Libéré en juin 1943, Jean Cassou les fait clandestinement publier, aux « Éditions de Minuit », sous le pseudonyme de Jean Noir et demeure très actif dans les mouvements de résistance.
À la Libération, il participe aux « Cahiers de Libération » et est nommé commissaire de la République à Toulouse. I
l dirige ensuite le Musée National d’Art moderne, tout en poursuivant son œuvre de poète, romancier et critique d’art.
Il meurt à Paris en 1986.
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