Tout, tout de suite
A condition d’avoir le cœur bien accroché...
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Thème
Un petit matin de février 2006, des policiers cagoulés et armés font irruption simultanément dans plusieurs appartements. Cris, coups, arrestations musclées… Les interpellés sont blacks, blancs et beurs. Leurs seuls points communs : ils ont tous moins de vingt ans et appartiennent tous à ce que la presse appellera « le gang des barbares ».
Quelques heures auparavant, une femme avait retrouvé, brûlé à 80%, le corps supplicié d’Ilan Halimi, un jeune homme enlevé vingt quatre jours plus tôt. Sous le seul prétexte qu’il était juif, et donc supposé avoir de l’argent…
Le film va alors dérouler, par flash-back, le fil de l’enlèvement, puis du long martyre et de l’agonie de celui qui, aux yeux de ses bourreaux, n’avait qu’un seul tort : être juif; ne présentait qu’un seul intérêt : avoir, du moins le supposaient-ils, des parents fortunés.
Points forts
- Le sujet même du film, à savoir, la dénonciation des atrocités qui peuvent être commises au nom du racisme et de l’antisémitisme. Cette dénonciation est ici implacable puisque Richard Berry ne fait rien d’autre que reconstituer l’engrenage d’une violence sans nom pratiquée sur une personne ayant réellement existé, au seul motif de sa judaïté. Impossible d’accuser le cinéaste d’avoir noirci le tableau. Les faits de son film ont tous été avérés, les kidnappeurs et tortionnaires d’Ilan Halimi étant tous passés aux aveux.
- La structure même du film : Si Richard Berry a choisi l’ordre chronologique pour les scènes de maltraitance et de tortures infligées à Ilan Halimi, à l’instar de celles de l’enquête menée par les policiers (avec la douloureuse collaboration du père du jeune séquestré), en revanche, il les a volontairement coupées par de scènes d’interrogatoires des kidnappeurs et bourreaux. Outre qu’il donne de la force au récit et lui apporte une authenticité, ce procédé de narration a permis au cinéaste de ne pas montrer le pire (qui aurait été visuellement insoutenable) mais de le faire raconter.
- La sobriété avec laquelle le drame est narré. Avec un sujet aussi « terrifiant », le danger était grand de verser dans le sentimentalisme, l’outrance et le pathos. S’appuyant sur les comptes rendus des interrogatoires et les témoignages des protagonistes du drame, Richard Berry s’en tient aux faits. Rien qu’aux faits. Cela donne à son film une précision clinique qui fait froid dans le dos.
- Le réalisme du film, dû au fait que de nombreuses séquences ont été tournées caméra à l’épaule.
- L’interprétation. Pour jouer les membres du gang, Richard Berry voulait des comédiens totalement inconnus. Il a donc recruté des acteurs non professionnels et les a trouvés essentiellement dans la rue. Issus des mêmes milieux que leur personnage, ils sont d’une spontanéité stupéfiante. Quant à Steve Achiepo, (qui incarne Youssouf Fofana ), il « crève » l’écran. Ce réalisateur de deux courts métrages semble dans les starting-blocks pour démarrer, s’il le souhaite, une brillante carrière de comédien.
Quelques réserves
Très subjectivement on peut regretter que Richard Berry ait voulu tenir lui même le rôle du père d’Ilan Halimi. C’est le seul personnage du film qui soit interprété par un comédien connu et, assez inexplicablement, cela amenuise, malgré son interprétation impeccable, la compassion qu’on a pour lui.
Encore un mot...
Il y a longtemps qu’on attendait un grand film français sur l’antisémitisme. Car dix ans après le drame qui a coûté si douloureusement la vie à Ilan Halimi, il semble, et c’est un euphémisme, que, dans l’Hexagone, il n’ait pas reculé d’un iota. Si « Tout, tout de suite » (qui interroge aussi sur les mécanismes de la violence) pouvait faire réfléchir, s’il pouvait empêcher la naissance de nouveaux Fofana, alors Richard Berry n ‘aurait pas seulement signé un très bon film qu’on regarde le cœur serré, la peur au ventre, Il aurait fait œuvre de salubrité publique.
Une phrase
- « J’ai vu ses yeux. Il a compris ce que j’avais fait ». (La jeune fille qui a servi d’appât).
- « Je sais que c’est difficile, Monsieur Halimi, mais il ne faut pas céder » (Un flic à Didier Halimi, le père d’Ilan).
L'auteur
Depuis quelques années, Richard Berry est devenu un réalisateur de cinéma qui « compte ». Mais c’est sur les planches, en tant que comédien, que cet artiste, né Richard Elie Benguigui le 31 juillet 1950 à Paris, de parents commerçants, a acquis sa notoriété. Et au fond, quoi de plus normal pour celui qui, à seize ans, alors élève au lycée Janson-de-Sailly, décida d’intégrer une troupe de théâtre amateur pour jouer les textes qui le fascinaient alors, ceux des auteurs classiques. Il s’y révèle si doué, qu’en 1969, il réussit à intégrer le Conservatoire national supérieur d’art dramatique, dont il ressort, quatre ans plus tard, avec un Premier Prix, qui lui vaut d’entrer à la Comédie Française. Il restera sept ans dans la Maison de Molière, où il jouera dans une vingtaine de pièces.
Assez vite, le cinéma va lui tendre les bras car avec son physique, sa voix, et la précision de son jeu, il imprime fortement la pellicule. Après son départ du Français en I980, il va enchainer les rôles, sous la direction de nombreux réalisateurs dont Elie Chouraqui, Alexandre Arcardy, Bertrand Tavernier et Josiane Balasko.
En 1999, à la suite d’un accident de moto, il ressent le besoin de « réaliser ». Ce sera « l’Art (délicat) de la séduction ». Sans jamais abandonner son métier d’acteur de théâtre et de cinéma, il réalisera ensuite quatre autres longs métrages dont, en 2010, « l’Immortel », avec Jean Reno, qui connaitra un succès international.
« Tout, tout de suite » est son sixième film en tant que réalisateur et scénariste. Il est tiré de l’ouvrage éponyme de Morgan Sportes (Prix Interallié 2011), inspiré à l’écrivain par la tragédie du jeune Ilan Halimi, enlevé et torturé à mort, en 2006, par les membres du gang dirigé par Youssouf Fofana.
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