La Révolution et l’Empire dans le cinéma français
Ridicule de Patrice Leconte -
Caroline chérie de Richard Pottier -
Les mariés de l’an II de Jean-Paul Rappeneau -
Le souper de Jean-Claude Brisville et Molinaro -
et quelques autres aussi…
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Thème
Explorer à travers plusieurs films quelques moments et personnages de notre Histoire de 1780 à 1820, soit 40 ans qui bouleversèrent la France, l’Europe, le monde (peut-être ?)
La France érigée en Nation a imposé la réaction aux inégalités sociales et à la chrétienté oppressive, la liberté individuelle et d’opinion, la participation au choix des gouvernants, le principe de légalité de toute décision collective. Tout sort de là, encore, même si plus de deux siècles de pratique en ont un peu modifié les contours.
Gardons cette trame aventureuse en parcourant avec un cinéma jubilatoire ces moments romanesques, la vie de héros inattendus. En suivant la chronologie de l’Histoire, 5 longs métrages font merveille :
- Commencer par le Beaumarchais l’insolent d’Edouard Molinaro (1989) contant les tribulations théâtrales, publiques et privées, du trublion Pierre Augustin Caron de Beaumarchais aux alentours de 1776, lequel pourfendit la censure royale avec son Figaro, inventa les droits d’auteur, hurla à l’égalité devant la justice, rendit service au roi Louis XV, connut le fameux chevalier d’Eon ni fille ni garçon, envoya 40.000 fusils aux Insurgents américains qui ne le payèrent jamais, troussa beaucoup de filles et mourut fort opportunément en 1799. Tout cela narré avec légèreté et beaucoup d’esprit dans ce film lumineux où presque tous les protagonistes sont vêtus de blanc, doté d’une distribution éclatante : Lucchini y est fort juste, Piccoli et Weber parfaits, Serrault irremplaçable en roi fatigué, Jean Yann bougon à souhait, et Sandrine Kimberlain délicieuse. Et tant d’autres… Les dialogues de Brisville et Molinaro doivent beaucoup à Sacha Guitry, ce qui n’est pas désagréable.
- Poursuivre avec Ridicule de Patrice Leconte : on est à Versailles sous Louis XVI vers 1785 : la cour et le roi se fichent bien du peuple, et des paysans des marais de la Dombe : Charles Berling en petit noble de province tente de percer l’opacité royale, mais tombe dans les cruels traquenards d’une noblesse de cour arrogante et impitoyable. Là aussi une distribution magnifique : Fanny Ardant superbe, Bernard Giraudeau surprenant en prêtre débauché et tricheur. Notre héros a la chance de rencontrer Jean Rochefort en noble désargenté mais secourable ; et la maîtrise du rythme cinématographique par un Leconte très inspiré.
- La Gaumont a eu la bonne idée de remasteriser le Caroline Chérie de Richard Pottier (1951, en noir et blanc), tiré du roman à succès de Cecil Saint Laurent (Jacques Laurent), contant les tribulations d’une jeune aristocrate qui se «débrouille» dans la tourmente révolutionnaire. Le film fit scandale, parce qu’on y apercevait un bout de sein et quelques fesses. Il apparaît aujourd’hui fort sage. L’enfantine Caroline, c’est Martine Carol, tellement jolie, pulpeuse, éclatante qui joue les idiotes avec talent, aux côtés de Jacques Dacqmine en séducteur empaillé, du roublard Raymond Souplex et d’une pléiade d’acteurs aujourd’hui disparus qui enchantèrent les années 50/60.
- Les Mariés de l’An II de Jean Paul Rappeneau (1970) nous transportent vers Nantes, 10 années plus tard, en 1794, au début de la Première République, en pleine Terreur de Robespierre et révolte des Chouans. Il coure sur ce film un vent de folie, d’hystérie propre à cette période délirante d’incertitude et de cruauté. On guillotine avec allégresse, on noie dans la Loire les bonnes sœurs et les prêtres, tandis que la noblesse révoltée fait sauter des bombes en dansant avec ses paysans espérant le secours des Anglais. Belmondo y est supportable, Marlène Jobert pleine de fougue, Samy Frey ténébreux à souhaits. La musique de Georges Delerue un régal. On y voit une des toutes premières et minuscules apparitions de Patrick Dewaere en patriote de Valmy. La scène finale, située sous l’Empire, est très drôle et dévoile le chemin parcouru.
- Finir avec Le Souper, repris de la pièce de Jean Claude Brisville, mis en scène par Molinaro (1992) : c’est l’extrême fin de l’Empire, les 100 jours désastreux, Napoléon Bonaparte « hors la loi » et vaincu (1814). La fête est finie, et les 2 personnages clefs de toute cette période nous re-racontent, dans un dialogue coupant comme une guillotine, ces 30 ans de folie : Joseph Fouché et Charles- Maurice de Talleyrand : Duc d’Otrante et Prince de Bénévent par la volonté de l’Empereur, l’évêque et l’oratorien, tous deux mariés et parjures. Claude Brasseur et Claude Rich rivalisent de talent : c’est à la fois simple et somptueux, teinté d’une légère nostalgie pour une frénésie collective qui ne reviendra plus jamais.
Encore un mot...
Une grande et belle leçon d’Histoire bien française. Bien sur, il y a foultitude d’autres pellicules, mais ces 5 là se complètent et s’harmonisent parfaitement dans un même esprit d’exactitude historique, de légèreté de ton et de qualité très française.
Le cinéma est un merveilleux livre d’histoires de notre Histoire.
Une phrase
Quelques phrases ou dialogues devenus «cultes» :
Dans Ridicule :
“Le marquis des antipodes” et “le baron de patatras”
“On peut naître dans une écurie sans être un cheval”
Dans Le souper :
“J’aime pas le peuple” (réflexion de Ticky Holgado, valet zélé du Prince)
Et aussi
Si ces deux fameuses pièces de théâtre ne sont pas à l'affiche dans l'immédiat, il vous reste le plaisir de lire ce que nos chroniqueurs, Danielle Mathieu-Bouillon et Jacques Paugam, en ont pensé !
La conversation (entre Bonaparte et Cambacérès)
Le souper (entre Talleyrand et Fouché)
On peut faire précéder ces chefs d’oeuvre du beau Que la fête commence de Bertrand Tavernier (1975) qui se situe beaucoup plus tôt, sous le Régent –Noiret tellement vrai– après 1715 (mort de Louis XIV) : c’est le « début de la fin ». Un Jean Rochefort délirant !
Il y a, bien sur, les Napoléon d’Abel Gance (1925) ou de Guitry (1954) si admiratifs, et puis l’inénarrable Désirée de Henry Koster avec un Marlon Brando caricatural en Napoléon bougon, Jean Simmons (toujours très mauvaise) et Merle Oberon en Joséphine de Beauharnais.
Côté Britannique
Les Britanniques ont aussi traité nos folies de leur point de vue à eux :
- les irremplaçables Duellistes, premier long métrage de Ridley Scott, d’après une nouvelle de Joseph Conrad, nous font parcourir les guerres d’Empire à travers l’histoire vraie de 2 officiers français s’affrontant en duels sauvages (Prix de la première œuvre à Cannes en 1977) ;
- la scintillante Reese Witherspoon suit les aléas des régiments anglais lors des guerres d’Empire dans la mise en scène somptueuse du Vanity Fair de Mira Nair (2005), inspiré du beau livre de Thackeray ; Gabriel Byrne y est parfait, tout comme Bob Hoskins.
- Le roi d’Angleterre qui affronta la guerre d’Indépendance américaine, la révolution française et Napoléon était un malade mental – un Hanovre – qui eut beaucoup d’enfants : cela nous est conté avec brio par Nicolas Hytner dans La Folie du roi George (1994) où Helen Mirren est déjà reine et Rubert Everett assez irrésistible en héritier impatient.
- Le beau Master and Commander de Peter Weir (2000) nous rappelle que la guerre fut aussi maritime et fort cruelle, malgré les talents et les ruses de commandement de Russell Crowe.
- Enfin, même Jane Austen, évoque les guerres d’Empire à travers ses fringants militaires qui font rêver ses jeunes filles à marier, qui vont et viennent vers le continent au gré des coalitions : Emma Thompson, Kate Winslet dans –entre autres- Raison et sentiments de Ang Lee, incarnent parfaitement le climat social de cette époque.
Côté russe
On peut, bien sûr, ajouter les films russes sur la dévastatrice campagne de Russie, ou encore La nuit de Varennes d’Ettore Scola (1981), un peu lent mais grinçant et dramatique. Deux belles prestations de Depardieu en Colonel Chabert confronté à cette chipie de Fanny Ardant, (Yves Angelo en 1994 (il y a aussi celui de Le Henaff en 1943 avec Harry Baur), ou en Danton, très beau, saisissant de réalisme, dû à Andrzej Wajda en 1982 ; le scénario est de Jean-Claude Carrière, l’acteur polonais Wojciech Pszoniak est un prodigieux Robespierre. Chabert finit à l’hospice, Danton perd la tête : sombres destins. Les cruelles Lignes de Wellington, incarné par John Malkovich, décrivent la raclée infligée en Espagne et au Portugal aux armées françaises d’occupation et l’incroyable désordre de la fin de l’Empire (Valeria Sarmento, 2012).
Commentaires
Les titres des films auraient du être en gras ou soulignés. On ne les discerne pas à la lecture.
Voilà qui est corrigé. Bonne (re)lecture !
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