DEUX BALLETS HISTORIQUES A L'OPERA
C'est avec Le Songe d'une nuit d'été (George Balanchine) et Giselle (d'après Jean Coralli et Jules Perrot) que se termine la saison 2021/2022 sur les scènes parisiennes de l'Opéra.
Créé en 1962 par le New York City Ballet sur la musique de Félix Mendelssohn-Bartholdy, Le Songe d'une nuit d'été (d'après William Shakespeare) est entré au répertoire en 2017 dans de nouveaux décors et costumes signés Christian Lacroix. Présenté à l'Opéra Bastille, pour 17 représentations entre le 18 juin et le 16 juillet 2022, la production réunit le Ballet, l'Orchestre, le Choeur et des élèves de l'Ecole de Danse. La danseuse Amélie Joannidès fait partie du corps de ballet. Elle a répondu aux 3 questions de notre chroniqueuse danse Callysta Croizer :
C.C. On vous retrouvera dans la distribution du ballet de George Balanchine, Le Songe d’une nuit d’été. Quelles sont les spécificités de la technique de ce chorégraphe néoclassique et à quels défis confronte-t-elle les danseurs formés à l’école française ?
A.J. Les spécificités de la technique « Balanchine » résident dans le rapport à la musique. Balanchine avait une musicalité extraordinaire et beaucoup de ses ballets ont été écrits main dans la main avec leur compositeur, notamment Stravinsky. Le rapport à la musique doit donc être extrêmement précis. Personnellement, j’adore. La technique américaine est très expressive, contrairement à la technique française. Les bras et les mains sont utilisés différemment et tout est beaucoup plus rapide, ce qui nous demande une légère adaptation. Mais Balanchine est un chorégraphe que l’on danse souvent, et des maîtres de ballet et répétiteurs de New York sont systématiquement là pour nous transmettre les chorégraphies. On a dansé Le Songe une fois, il y a cinq ans, mais il est toujours remonté par les Américains qui ont travaillé avec Balanchine et connaissent ses exigences.
C.C. Vous venez de vivre un moment d'exception. En effet, le lundi 16 mai 2022, avec les Étoiles, les Premières Danseuses, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l’Opéra de Paris, vous avez suivi un cours de danse non pas en studio mais sur la scène du Palais Garnier. Dirigés par votre professeur Andrey Klemm, vous avez tous enchaîné pendant 1h30 les exercices à la barre, les adages et les manèges, sous les yeux admiratifs d’un millier de spectateurs venus découvrir votre travail quotidien. Présenter un cours de danse sur la scène du Palais Garnier, c’est un peu comme dévoiler les esquisses préparatoires d’un chef d’œuvre. Comment avez-vous vécu cette rencontre ?
A.J. J’encourage énormément la proximité entre les danseurs et le public. J’aimerais beaucoup qu’il se sente proche de nous, qu’il sache comment nous travaillons tous les jours, qu’il voie ce que cela représente de produire un spectacle. Surtout, je voudrais que cela lui donne envie de danser. Le fait de nous voir « rater » les exercices techniques, lui permet de comprendre que l'on est comme tout le monde et qu’il faut beaucoup de travail pour en arriver à ce qu’on produit le soir. En France, la culture impose de ne pas montrer l’effort. Tout doit sembler facile. Or, ici, le public nous voit transpirer et recommencer. Pour moi, c’est un excellent entrainement, car cela me permet de faire un grand travail technique sur scène. Comme je suis dans le corps de ballet, je n’ai des rôles que de temps en temps. Donc, cela me permet de travailler des manèges, des grands sauts et des fouettés en scène, et d’être prête le jour où on me demandera de les faire pour un rôle.
C.C. On entend dire que la danse contemporaine tient une place de plus en plus importante dans la programmation de l’Opéra de Paris depuis quelques années. Quelles places tiennent les productions de ces dernières décennies dans votre parcours de danseuse classique, notamment celles d’Hofesh Shechter, Uprising et In your rooms , dans lesquelles vous vous êtes illustrée dernièrement ?
A.J. Le contemporain à l’Opéra de Paris, ce n’est pas quelque chose de nouveau. Depuis les années 1980, on a invité William Forsythe, Pina Bausch, et d’autres grands génies qui montrent que le contemporain a toujours fait partie de notre culture. Personnellement, le contemporain m’a beaucoup aidée à progresser en classique. Les gens opposent souvent les deux, alors qu’ils se complètent, surtout aujourd’hui. Après avoir fait des productions contemporaines, je reviens au classique avec de nouveaux muscles, de nouvelles informations, et cela me fait beaucoup progresser. Travailler avec Hofesh, c’était incroyable. C’est un style contemporain extrêmement éloigné de ce qu’on fait d’habitude. Ce ne sont pas les mêmes muscles qui sont sollicités, ni la même technique, ni presque le même métier. C’est une autre philosophie et pour moi, cela a été une révélation : le rapport au corps, à l’image, tout a été bouleversé. Hofesh est une personne incroyablement généreuse, intelligente. C’est un bonheur d’avoir pu danser avec lui.
A Garnier, les 15 représentations entre le 25 juin et le 16 juillet de Giselle, sur la musique d'Adolphe Adam, sont l'occasion de revoir ce ballet romantique par excellence et de célébrer les adieux officiels à la scène d'Alice Renavand le mercredi 13 juillet.