Chronique festivalière du 31 juillet
Chers amis,
Voilà, le festival d'Avignon 2022 , c'est fini. Que de belles choses partagées et que de beaux spectacles à voir bientôt.
Belle dernière lecture et bon été à tous.
Jean-Pierre Hané
LE PETIT RESISTANT ILLUSTRE – Alexandre Letondeur
3 Soleils – relâches les 12,19,26 juillet
Mise en scène : Ned Grujic
Avec : Alexandre Letondeur, Romain Puyuelo
Ils sont artistes de cabaret et ils sont missionnés par l’Au-delà pour venir raconter la seconde guerre mondiale à leur façon. Ils atterrissent dans une salle de classe et vont utliser tout ce qu’ils ont sous la main pour mieux nous faire comprendre cette période.
UN MOT
Ils avaient précédemment fait « Le petit poilu illustré » et les voilà de retour avec un exercice plus périlleux pour raconter une période sensible. C’est par le biais du clown qu’ils vont désacraliser les moments les plus sensibles de cette période en utilisant la farce et le grotesque. L’exercice est réussi et renforce ce devoir de mémoire qui a tendance à s’effacer avec le temps auprès des plus jeunes. Un spectacle qui s’avère nécessaire et plaisant. Pédagogique sans être didactique, bien documenté et baigné d’un humour salutaire.
UNE HISTOIRE D’AMOUR – Alexis Michalik
Scala Provence – relâche les 11,18,25 Juillet
Mise en scène : Alexis Michalik
Avec : Pauline Bression, Juliette Delcroix, Alexis Michalik ou Paul Lapierre, Marica Soyer, Victoire Brunelle-Rémy ou Elisa de Lambert ou Lila Fernandez
La vie réserve parfois bien des surprises et Katia et Justine tombent amoureuses.
Leur bonheur est parfait, total. Justine veut être mère mais Katia a des réserves… Finalement elle accepte, elles passeront par l’insémination artificielle. Jeanne va arriver mais quelques jours avant sa naissance Justine disparaît… Douze ans plus tard un événement va bouleverser la vie de Jeanne et Katia.
POINTS FORTS
Une interprétation cousue comme de la dentelle par les deux interprètes principales.
Le virevoltant ballet de la troupe précis dans ses gestes et déplacements, changement de décors force l’admiration.
Une écriture dynamique aux dialogues concis et percutants.
POINTS FAIBLES
Je n’ai pas eu l’occasion d’en trouver
ENCORE UN MOT
La force d’Alexis Michalik est d’avoir le génie de créer des histoires prenantes et bouleversantes à la pointe du cœur. Dans ce spectacle, nous avons tous les ingrédients de la tragédie, de la romance et du mélodrame dans les plus beaux sens du terme. La finesse du trait qui compose chaque personnage dans ses contradictions, ses espoirs les plus fous, son aspiration au bonheur, révèle un auteur accompli qui a su tirer toutes les leçons d’un XIXeme classique pour les transcender et les transposer dans notre XXIeme siècle si bouleversé. Ici, ce sont des cœurs brisés aux rêves de maternité qui s’attirent et se déchirent, des destins courageux qui glissent le long du fleuve tumultueux de la vie et des tensions amoureuses. Trahison, passion, le cœur saigne, le courage et la volonté sont exaltés. Le besoin d’amour et la nécessité de se créer une famille bouleverse les cœurs d’un auditoire qui a du mal à retenir son émotion. Le tout est orchestré avec maestria dans une mise en scène virevoltante. Travail d’orfèvre ! On rêverait qu’avec son talent il adapte ou transpose l’Odyssée d’Homère tant il sait si bien peindre les tourments des cœurs féminins, Circé, Pénélope,Calypso, Nausicaa trouverait en lui un orfèvre en la matière.
Oserai-je vous recommander de ne pas le rater !
LE FACTEUR CHEVAL ou le rêve d’un fou – de Nadine Monfils
Théâtre des Halles –
Mise en scène : Alain Leempoel
Avec : Elliot Jennicot et Philippe Doutrelepont
C’est l’histoire d’un homme dont on disait qu’il était fou, il ne l’était pas. Il n’a jamais su dire je t’aime alors qu’il était plein d’amour. Il a mis trente ans à construire un palais de pierre, entreprise insensée aux yeux du monde. Un fou génial, tendre, cultivé mais hors norme. Un poète de la vie.
UN MOT
C’est une gageure que de raconter cette histoire insensée de cet homme qui sacrifia toute sa vie à son rêve alors que la vie ne lui a fait aucun cadeau. Sans désarmer jamais, d’une ténacité, d’un courage et d’une résilience sans pareille, ce héros discret d’une vie banale est incarné superbement par Elliot Jennicot qui nous offre un homme rocailleux, pragmatique, volontaire à fleur de peau. Il est terrien ce facteur cheval mais c’est un idéaliste, un rêveur, un homme à principe. Sous la carapace se cache un tendre, qui refuse de se laisser à ses émotions et qui pourtant va offrir l’illusion d’un bonheur paternel à une jeune femme en mal de père. La composition de ce comédien magnifique est totale, la voix, le corps, la gestuelle nous le rend plus qu’authentique et nous fait épouser son épopée sans lâcher un seul instant. Le texte est magnifiquement écrit et dans cet écrin du jardin du Théâtre des Halles, la scénographie du plasticien Philippe Doutrelepont prend toute son ampleur.
C’est une merveilleuse surprise du festival qui donne envie de visiter le fameux musée du « facteur cheval ». Un homme à découvrir, un comédien à applaudir.
FERNAN CHANTE FERNAN – de Christophe Magdinier
Alya , la Yourte
Mise en scène : Hélène gustin
Avec : Christophe Magdinier
En tournée intercommunale, Fernan est indubitablement l’étoile montante des régions de France les plus reculées. La guitare, l’harmonica et le beat box enchantent les spectateurs et il met du cœur à l’ouvrage…
UN MOT
Il est drôle, maladroit, touchant ce Fernan qui ose enfin nous présenter ses chansons. Grand Auguste sans nez rouge qui s’étonne de son propre succès, il va oser en chanter une deuxième et puis une encore… Mais c’est un méticuleux il tient à nous expliquer pourquoi il a choisi ses thèmes, et là ça prend tout son sel. Il a pourtant pensé à tout sauf peut-être au look très 70, un peu daté – mais il est drôle, décalé et nous entraîne dans ses univers naïfs et tendres sans qu’on se pose plus de questions. On veut lui rendre le plaisir qu’il nous offre. Fernan c’est atypique, c’est un type chic. Le hic c’est son comique.
WHAT WILL HAVE BEEN – de Yaron Lifschitz
Théâtre des Lucioles
Mise en scène : Yaron Lifschitz
Avec : Daniel O’Brien, Kimberley O’Brien, Hamish Mccourty
UN MOT
Voilà du cirque contemporain comme on l’aime, gracieux, audacieux, érotique, virevoltant et performant.
Ces 3 acrobates accompagnés d’un violoniste nous offrent un spectacle aérien éblouissant. Un spectacle dans lequel toute l’énergie et la force du mouvement passent par la poésie. La fluidité du mouvement explore l’intimité des corps, la sensualité des gestes, les images sculptées par les corps en suspens dans l’air. Il y a aussi le choc des corps et des chutes qui impressionne le spectateur, c’est direct, brut, animal dans les confrontations. Tout cela est compensé par un travail d’orfèvre où les corps se retrouvent sculptés en direct comme des poupées de chiffons qui prennent tout d’un coup corps et rebondissent au gré des élans avec lesquels ils sont projetés. L’air est l’élément principal de ce spectacle qui nous met en apesanteur. Laissez-vous emporter !