KGB, La véritable histoire des services secrets soviétiques
Texte lu par : François Muller
Durée : 9 H 25
Prix : 19,95 Euros
Parution : Janvier 2023
SAGA Éditeur et Perrin pour Version Brochée et ebook (2020 ; 376 pages ; 23 et 16,99 Euros)
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Thème
Dissout il y a plus de 30 ans, le KGB depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ce sont trois lettres qui hantent à nouveau les esprits.
Bien que publié en 2020, le livre de Bernard Lecomte, « un ouvrage de terrain » très documenté, reconnu pour son sérieux, permet de bien cerner ce que fut réellement l’histoire hors du commun de cette toute puissante police politique. Avant le KGB, il y eut la Tcheka, le Guépéou (GPU) et le NKVD. Ces acronymes recouvrent une même réalité, une finalité, des méthodes et un fonctionnement identiques. On lui conféra des moyens puisqu’elle sera en charge de l’intérieur comme de l’extérieur. Ce livre met à mal bien des idées reçues. La Tcheka n’est pas un des piliers du régime. Ce bras armé, créé par décret en décembre 1917, fera dès cette date régner la terreur. Empêchant l’Assemblée constituante de siéger, massacrant les ennemis du peuple, ouvrant les premiers camps de concentration. En 1918, 25 000 opposants seront fusillés, en 1921 ce chiffre s’élèvera à 250000.
Félix Dzerjinski, fondateur de la Tcheka, affirmait « en politique, l’efficacité c’est la balle de fusil » ce qui situe bien les choses. En vérité, la Tcheka n’est pas un simple pilier, elle est la pierre angulaire sans laquelle l'État communiste n’aurait pu exister. Les faits démontrent également, que contrairement à une autre idée reçue, c’était bien Lénine qui avait mis au point la terreur et qu’il suivait personnellement les opérations. Staline n’était pas l’inventeur du système, il en hérita et le fit prospérer de manière hallucinante. A la mort de Lénine (1924), commença la chasse aux trotskistes. Tous ceux qui auraient pu lui faire de l’ombre étaient accusés de trahison et après un semblant de procès étaient passés par les armes.
Après les figures du bolchévisme, ce fut l’armée qui fut décapitée, plus de 75 000 officiers furent exécutés. Staline pour en finir avec les propriétaires terriens ukrainiens affama le pays ce qui occasionna quatre millions de morts en 1934. A l’extérieur, les services de l’URSS se montrèrent particulièrement actifs. Dès le début, des agents créèrent des réseaux en Europe mais aussi aux Etats-Unis, en Chine. Leur action fut innovante pour l’époque : surveillance des ambassades, des missions, des hôtels, des femmes, micros dans les ambassades, création de « partis frères ». Une propagande systématique, complétée par le lancement d’organes de presse. Mais l’atout fondamental était constitué par « les compagnons de route », « les idiots utiles » comme les appelait Staline mobilisés pour les grandes causes (affaire Sacco et Vanzetti ).
La terreur sera également utilisée contre les exilés et les trotskistes comme ce fut le cas durant la guerre d’Espagne. Cette politique eut l’effet que l’on sait lors de l’entrée en guerre de l’URSS. Sous la férule de Beria les services soviétiques effectuèrent des recrutements décisifs comme ceux des « cinq de Cambridge », ou des chercheurs grâce auxquels l’URSS disposa de la bombe atomique. En 1945, le NKVD était partout. Il fallut la création de la CIA pour mettre fin à la « naïveté des américains ». L’ère Khrouchtchev qui suivit, vit une réorganisation des services qui devinrent le KGB. Cela ne changea en rien le pouvoir de l’organisation, qui fut à la manœuvre lors des insurrections de la Hongrie (1956), ou la fin du « Printemps de Prague » (1968). Simultanément le pillage technologique de l’Occident se poursuivait et « l’Archipel du Goulag » comptait des millions de prisonniers.
Mais les temps avaient changé. La déstalinisation entraina la désillusion de nombre de « Compagnons de route ». Les médias furent moins complaisants, les défections d’officiers du KGB désastreuses (affaire Farewell), la dictature du prolétariat montrait son vrai visage. La montée de l’idéologie des Droits de l’homme, l’exemplarité des dissidents au même titre que les événements de Pologne et l’élection du pape Jean-Paul II, allaient secouer la culture bureaucratique du KGB. Avec Gorbatchev et la Perestroïka, le KGB tenta de suivre le mouvement et se dota même d’un service de presse. Mais le putsch de 1991 fomenté par le KGB marqua la fin officielle de celui-ci. Malheureusement, Boris Eltsine ne pouvait concevoir un Etat sans police politique. On créa le BSF qui fut installé dans l’ancien siège du KGB, la sinistre Loubianka. Mauvais présage… Depuis le début de la guerre avec l’Ukraine, les morts étranges et simultanées d’oligarques, les arrestations des opposants, la désinformation systématique, la cinquième colonne qui, dans plusieurs pays, soutient la Russie, sans oublier Poutine, « l'ancien de la Maison »… signifierait elle le retour du KGB ?
Points forts
A la fois, une étude parfaitement argumentée, s’appuyant sur des faits incontestés et des chiffres qui donnent toute leur dimension à cette histoire qui se lit comme un roman.
Quelques réserves
La minutie du propos, notamment le nombre d’acteurs cités qui peuvent parfois rebuter le lecteur.
Encore un mot...
Ce livre fait percevoir les arcanes de la guerre à laquelle nous assistons depuis le 24 février 2022.
Une phrase
Bernard Lecomte est un ancien grand reporter, spécialiste des pays de l’Est, il a couvert pour L’Express toute la fin du communisme. On lui doit notamment Le Bunker (JC Lattès, 1991), Gorbatchev (Perrin, 2014) et Les secrets du Kremlin (Perrin, 2017). Il est également l’auteur de nombreux ouvrages sur le Vatican et la Bourgogne où il vit.
LE LECTEUR
François Muller est un comédien qui s’est spécialisé dans le doublage, la voix-off, la lecture notamment pour des livres audio.
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