Gladys, duchesse de Marlborough

Au XX° siècle, le destin tumultueux d'une belle américaine qui voulait être duchesse. Une biographie intéressante car bien documentée qui retrace un milieu culturel historique
De
Hugo Vickers
Traduit de l'anglais par Laure Gruet -
Editions Lacurne -
496 p. -
25 €

Traduit de l'anglais par Laure Gruet - 

Editions Lacurne - 

496 p. - 

25 €

Notre recommandation
3/5

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Thème

Gladys Deacon (1881-1977), une richissime beauté américaine, mène, dès l'enfance avec ses parents, une vie fastueuse aux Etats-Unis, en France, en Grande Bretagne, en Suisse et en Italie. Mais les drames familiaux assombrissent ses jeunes années : maladies, mère infidèle et père assassin de l'amant de sa femme.  Fascinée dès l'adolescence par le mariage de Consuelo Vanderbilt -une autre riche héritière américaine- avec le duc de Marlborough, elle se met à rêver, elle aussi, à un destin princier. Et elle se promet d'épouser, un jour, le duc de Marlborough bien qu’elle ne le connaisse pas encore. En attendant qu'il soit libre, elle fait ses études, vit entre Paris, Florence et Londres, s'entoure d'écrivains, d'artistes et d'aristocrates qui succombent tous à son charme, son intelligence et ses superbes yeux bleus.

Sujette à des périodes dépressives, elle s'étourdit, papillonne de capitale en capitale et repousse les demandes en mariage des plus grands noms de l'aristocratie européenne. Elle se lie d'amitié avec Rodin, Proust (qu'elle inspire pour sa Miss Foster d'A la recherche du temps perdu), Anatole France, Claude Monet, Degas, Renoir et Henry James. Elle sert de modèle à, entre autres, Sargent, Epstein et Boldini.

En 1921, le duc de Marlborough divorce. Et Gladys, maîtresse du duc depuis quelques années, l'épouse quelques mois plus tard, après environ trente ans d'attente. Elle devient la reine des soirées du palais de Blenheim des Marlborough, s'adonne au jardinage et à l'élevage d'épagneuls pour oublier ses fausses couches et, finalement, son fiasco conjugal. En décembre 1932, le duc quitte Blenheim et s'installe à Londres. Une terrible bataille financière s'ensuit jusqu'à la mort du duc en 1934. Gladys, dont la fortune personnelle s'est évanouie après le krach boursier de 1929, reçoit une maigre pension de son mari. Priée de quitter Blenheim en 1933, elle s'efface du monde pendant plus de quarante ans.

D'abord installée dans une petite maison du village de Chacombe où elle vit en recluse jusqu'en 1962, elle est internée dans un hôpital psychiatrique puis dans un asile jusqu'à son décès en 1977. C'est là que l'historien anglais Hugo Vickers, intrigué par la disparition de la si célèbre Gladys, la retrouve et réussit, à force de patience, à lui faire raconter sa vie.

Points forts

  • La couverture : l'élégance de Gladys immortalisée par Boldini.
  • Les 130 photos qui illustrent le récit. En noir et blanc puisque ce sont des photos de l'époque.
  • La documentation, les sources, les notes, l'index de plus de 600 noms.
  • La place offerte au monde de la littérature et des arts.

Quelques réserves

La traduction pêche un peu parfois. Peut-être en raison du foisonnement de noms, de lettres et autres sources documentaires.

Encore un mot...

Une étude sociologique assez intéressante de la gentry de la Belle Époque et des Années Folles. Et puis on voyage dans des lieux sublimes (descriptions détaillées et photos de la Villa Caprarola en Italie et du fameux Palais de Blenheim). Ceci dit, la belle et intelligente Gladys n'est pas si admirable. A l'image du milieu dans lequel elle évolue, elle est prétentieuse, profiteuse et ingrate. Mais ses déséquilibres et ses crises d'ennui noir m'amènent à la plaindre.

Une phrase

[Après un voyage en Suisse] « Gladys fut ravie de pouvoir passer quelques jours à Paris sur le chemin du retour. Elle fit friser ses boucles au fer électrique, ils déjeunèrent au Ritz, admirèrent le Rembrandt des Broglie à la galerie de Duveen et dînèrent avec Walter Berry. Gladys attrapa ensuite une grippe, aussi resta-t-elle à Paris tandis que Sunny [le duc de Marlborough] rentrait à Blenheim. Quand elle fut un peu mieux, Gladys eut la chance de voir de vieux amis et de reprendre la vie qui l'avait tellement rendue heureuse. […]

Le 25 septembre, Gladys rentra à Londres par le train de midi. « Je ne ressens pas plus d'émotion à quitter ma chère France que si j'avais été un arbre » écrivait-elle. Toutefois, à la gare de Charing Cross, une profonde dépression la gagna. Le valet de pied vint à sa rencontre mais n'avait pas la voiture. Puis elle s'aperçut que son télégraphe n'était pas arrivé, elle n'était donc pas attendue au 15 Great College Street et fut obligée de se contenter d'un peu de viande froide et de salade pour dîner. Elle compara son sort avec celui d'une femme qu'elle avait vue à la gare. « Elle était rejointe par un homme, dansait de joie et semblait enchantée. » Gladys resta dans un ennui noir pendant des jours. » (p.314 )

L'auteur

Hugo Vickers est l'auteur d'une trentaine de biographies dont celles de Vivien Leigh (Vivien Leigh,1988), de Greta Garbo (Loving Garbo,1994) et de la reine mère (Elizabeth, The Queen Mother, 2005). Il est aussi l'éditeur des mémoires de Cecil Beaton (Cecil Beaton : Portraits & Profiles, 2005) et rédigea l'édition anglaise des mémoires du baron de Redé, (Alexis, the Memoirs of the Baron de Redé, 2005) publiés en français par les Éditions Lacurne en 2017. C'est en 1979 qu'il publia Gladys, Duchess of Marlborough, traduit en français et publié par les Éditions Lacurne en 2020.

Le clin d'œil d'un libraire

LIBRAIRIE AUGUSTE BLAIZOT. QUAND LE LIVRE DEVIENT UNE ŒUVRE D’ART

Faire du lèche vitrine rue du Faubourg Saint Honoré à Paris n’est plus  un luxe mais cela reste un privilège surtout lorsqu’on a la chance d’entrer au 164 chez Claude Blaizot dans la librairie éponyme de père en arrière petit- fils depuis 1870, ou au 178, chez notre ami Jean Izarn qui a repris la fameuse librairie Chrétien ou encore dans la librairie Picard au 128. Blaizot est, on peut le dire, un monument historique, le temple du livre rare, sinon unique, le royaume du livre précieux dans tous les sens du terme. « Chez Blaizot, nous sommes tout autre chose que des commerçants.  Nous sommes des artisans-libraires ».

Sous leur enseigne sont réunis depuis des générations tous les métiers du livre d’art : éditeur, typographe, illustrateur, relieur, collectionneur bien sûr et avant tout découvreur.  Les éditions les plus rares sont à découvrir chez Blaizot, uniques sont certains exemplaires anciens, très limités sont les tirages. Mais le prix n’attend pas le nombre des années. Surprenant : un Houellebecq relié tiré sur Velin d’Arches à 120 exemplaires vaut ici 3 000 euros, un Le Clézio plus de 2 000 ! « Notre coup de cœur : Petits et grands verres, écrit et illustré par Laboureur, édité en 1927 (Au Sans Pareil éd. Tirage, 270 ex. !) ». Le prix ? Celui d’un Château Petrus 1947…

Que l’on se console : une simple visite vaut le « coup » d’œil : décor art déco 1920 dans son jus, vitrail du maître verrier Grüber, poème de Pierre Lecuire, « l’architecte du livre », selon Claude Blaizot (« il voit des âmes au plafond… »). Partage d’émotions garanti avec le maître des lieux : «Là où on peut donner le plus de soi, c’est dans l’édition, et le tourment le plus dur du libraire, c’est justement de se séparer d’un ouvrage qu’on a près de soi ».

 Librairie Auguste Blaizot, livres précieux : 164, Faubourg St Honoré 75008 PARIS  Tél. 01 43 59 36 58

Texte et interview par Rodolphe de Saint-Hilaire pour la rédaction de Culture-Tops.

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