Exorcisme
Parution le 17 janvier 2024
235 pages
20 €
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Thème
L’auteur relate en deux parties intitulées « Envoûtement » et « Désenvoûtement » son parcours d’adolescent en quête de réponses à ses croyances, dans les enchevêtrements de la violence des quartiers, des engagements politiques, des amours difficiles, et de l’amitié. Une interrogation sur soi-même, allant de la passion au désenchantement. À 10 ans, il est un petit voyou qui s’arrête, quelques années plus tard, au bord de la grande délinquance. Il est issu d’une famille pauvre vivant dans un quartier pauvre. Il est hanté par des rêves cauchemardesques et puis, sans explication, il est saisi du sentiment que quelque chose d’en haut le regarde, « Il » pour ne pas l’appeler Dieu. L’adolescent l’appelle, mais ne reçoit pas de réponse. Pourtant, il a l’impression que « Il » le protège de faire le pire.
Gérald Bronner raconte son parcours pendant les dix années qui suivent : ses engagements politiques, ses actions de petit délinquant, ses amours difficiles, ses amitiés, sa découverte et sa passion des livres à la suite de sa rencontre avec un érudit de sciences ésotériques et la création à son initiative d’un mouvement associatif millénariste dénommé C.E.R.F.. En même temps, il se met en tête avec la collaboration d’un ami, Nahil, qui sera son inspirateur et son complice, de déchiffrer les signes venus des plans supérieurs, du ciel ou de Dieu, non seulement perceptibles dans notre monde, mais avec la conviction que ces signes permettent d’agir sur notre monde. Nahil et lui s’adonnent à des expériences dans l’ordre du paranormal, sans résultats probants.
Esotérisme, alchimie, occultisme, superstitions, récits des épopées initiatiques, désirs de connaître les symboles des sociétés dites secrètes, tout fait matière pour l’auteur afin d’élaborer une théorie millénariste devant préparer l’humanité à la fin du monde, à l’apocalypse qu’il faut comprendre, semble-t-il, à la fois dans son sens étymologique de révélation et dans son sens commun de fin du monde.
Tout au long du récit, l’auteur s’interroge sur la nature et la légitimité de ce sentiment : la croyance en quelque chose d’autre. Cette interrogation prend la forme d’une recherche sur le passage de signes depuis le Ciel d’en haut jusqu’au monde d’en bas dit réel. Elle le conduit à la certitude passionnée qu’il y a quelque chose à trouver pour constater plus tard, dans un ressenti de désenchantement, que l’on ne trouve rien.
Points forts
Le parcours de Gérald Bronner, singulier, est une sincère interrogation sur l’identité de l’être : qui suis-je ? De quoi suis-je donc fait ? De bien petites choses en réalité. L’analyse est sans complaisance, sans approfondissement moral et même amorale, une belle tentative de regarder la vérité en face, la nôtre. Elle nous intéresse et nous invite sans doute, sans que cela soit dit par l’auteur, à nous interroger sur nous-mêmes, nous aussi sans complaisance.
Ajoutons un style vif, rapide, précis, agréable à lire. Il y a de la densité dans les propos de l’auteur et, çà et là, une ironie plaisante et souvent d’autodérision.
Quelques réserves
Ce que nous dit l’auteur de ses interrogations sur la croyance et les signes qui nous viennent ou nous viendraient du ciel est un peu dualiste : croyance ou non croyance ? Signes du ciel perceptibles ou absence de signes ? La démarche spirituelle de l’auteur, pourtant bien documentée semble-t-il, ignore les attitudes intermédiaires et multiples entre le croire et le pas croire. Mais cela est peut-être volontaire de sa part afin d’éviter d’entrer dans une querelle de doctrines, ce qui n’est pas son but.
Encore un mot...
C’est un beau récit, qui nous conduit sans doute pour la plupart des lecteurs sur des chemins qui ne nous sont pas familiers, entre la réalité du monde, grise souvent, et le désir du merveilleux auquel nous aspirons pour certains et que je nommerais : notre apocalypse. Quelle révélation souhaiterions-nous donc qui soit la nôtre ?
Une phrase
« Mais pourquoi un être aussi vil et violent que moi a-t-il reçu cette chance extraordinaire d’être mis sur la voie de l’initiation ? » p.44
« En quelques mois, et pas un de plus, j’étais passé du statut de minable petit délinquant à celui de l’homme-Dieu. » p.76
« La croyance est cette machinerie extraordinaire qui transforme le désir en prémonition, puis cette prémonition en savoir. » p.79
« Nous étions jeunes et bêtes avec trop de cœur pour le prochain et pas assez pour le proche. » P.145
« Si un jour on vous propose de troquer votre apocalypse contre deux barils de Grand Soir, je vous conseille de refuser. C’est une transaction inéquitable. Dans les deux cas, vous attendrez au bord du monde en vain mais, du moins, la première option vous promet-elle des anges qui trompettent dans le ciel, des lunes ensanglantées, des étoiles filantes et des cavaliers gigantesques : un blockbuster. Pour la seconde, on est plus dans la série B, voire Z, c’est poisseux de ressentiment. » p.153
« Le piège des religions séculières qui se proposaient comme une exaltation de substitution, se refermait sur moi. Je conservais par-devers moi la magnifique cathédrale de nos croyances d’adolescence. » P.153
L'auteur
L’auteur est aujourd’hui professeur de sociologie à l’université Paris-Sorbonne. Il est membre de l’Académie des technologies et de l’Académie nationale de médecine. Il a publié plus d’une vingtaine d’ouvrages dont certains abordent des sujets proches de ceux d’Exorcisme. L’auteur lui-même dans Exorcisme cite certains de ses ouvrages tels que Coïncidences – nos représentations du hasard paru en 2007 et Déchéance de rationalité paru en 2019 par lesquels il souligne son interrogation toujours vive pour les coïncidences qu’il considère comme « un alphabet mystérieux par lequel le sens du monde nous attrapait » p.221.
Enfin, Gérald Bronner traite dans plusieurs autres essais des mécanismes de formation des croyances à notre époque et de la désinformation galopante et envahissante qui nous assaille dans les messages qui nous parviennent de toutes parts et de tous les media.
Références des chroniques Culture Tops sur les œuvres de Gérald Bronner :
Apocalypse cognitive, PUF, 2021, Chronique de Jean-Jacques Pluchard
Le double visage de la biodiversité, la Nature n’est pas un jardin d’Eden, de Christian Lévêque, L’Artifleur - Grandeur Nature, 2023, essai avec référence aux théories de Gérald Bronner, Chronique de Bertrand Devevey.
Commentaires
Lire Gérald Bronner est un plaisir simple, stimule le sens critique, pas dans le sens que celui-ci nous explicite. Ce qui précéde la rationalité, c’est la réalité. Ce sociologue nous avait déjà soumis à son dur terrain, une logique personnelle, autocentrée à l’extrême. Une de ses sentences les plus magistrale fait date depuis 2020. Pour La Science Nov. 2020 P30
« Personne ne s’étonnera que les papes réunissent facilement les conditions de leur canonisation (l’une étant la production de miracles. »
L’une étant la production de miracles/ les papes réunissent facilement les conditions de leur canonisation/Personne ne s’en étonnera.
Prémisse (les miracles sont partout et tout le temps) / allégation ! / preuve sociale mode prophétique !
Cette conclusion a un article dans un numéro voulu « collector » est une perle. Les sophistes avaient pour eux de connaitre leurs procédés, l’hypothèse que je pose est que Gerald BRONNER dont je ne doute pas de la sincérité, est surtout victime de lui-même et continue de mettre sa tragédie en spectacle. Se complaire à le lire trop pourrait en devenir une autre.
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